CE JEUDI, à 9 heures, dans la salle du conseil de l’Ordre des médecins du 93, à Villemomble, l’atmosphère est studieuse. Une cinquantaine de carabins, internes, chefs et remplaçants ont répondu à l’invitation de l’URPS francilienne (union régionale des professionnels de santé), de l’Ordre et des autres partenaires du portail www.soignereniledefrance.org (1).
Après les Yvelines et la Seine-et-Marne, cette matinée est consacrée à l’installation en Seine-Saint-Denis, un département (trop) souvent présenté sous un jour sombre, qui cumule il est vrai les indicateurs économiques, sanitaires et sociaux défavorables : revenu fiscal parmi les plus bas, un jeune sur cinq sans aucun diplôme, espérance de vie plus faible que la moyenne régionale, surmortalité cancéreuse, le plus touché par la tuberculose… L’objectif de cette réunion interactive est de s’adresser directement aux jeunes médecins et de leur montrer, exemples et témoignages à l’appui, les opportunités d’installation et d’exercice en libéral. Car l’affaire est grave : dans la région (où exercent plus de 23 000 médecins libéraux) et notamment en Seine-Saint-Denis, les nouvelles installations en ville se font au compte-goutte, laissant des secteurs entiers sans généraliste ou spécialiste de proximité.
Pendant quatre heures, les intervenants se succèdent (Ordre, universitaires, géographe de la santé, médecins généralistes installés, directrice de clinique, coordonnateur en EHPAD, praticiens impliqués dans des projets de maisons de santé…) permettant de mieux appréhender les ressources sanitaires du département, la permanence des soins, les erreurs à ne pas commettre, les formes d’exercice (remplacements, collaboration libérale, régulation, MMG, cliniques, maîtrise de stage…) mais aussi les incitations existantes (exonérations en zone franche urbaine, bonus de 20 % sur les honoraires dans les secteurs déficitaires) ou encore les « recettes » d’une installation réussie. « On est dans l’application concrète du guichet unique [prévu dans la loi HPST pour faciliter l’installation] », se réjouit le Dr Bruno Silberman, président de l’URPS médecins.
Médecins heureux et « Bisounours ».
Sous l’avalanche de chiffres et de bons conseils, certains jeunes médecins restent sur leur faim. « Trop de sujets périphériques ont été abordés et les plus importants n’ont pas été assez approfondis », regrette cet interne de Bobigny à l’heure du buffet. « C’est le monde des Bisounours », ironise une de ses collègues, qui aurait souhaité que la question de la sécurité soit creusée davantage après plusieurs affaires dramatiques. On s’étonne aussi de l’impasse statistique concernant les centres de santé municipaux, qui représentent une offre de soins conséquente dans le département. Mais d’autres étudiants sont enthousiastes, comme cet externe qui se destine à la médecine générale, et pourquoi pas en banlieue difficile. « J’ai vu pas mal de médecins apparemment heureux de travailler dans le 93 depuis des années, ça fait réfléchir. » D’autant que certains médecins « seniors » font déjà leur marché : un tel cherche ouvertement un replaçant, un autre « vend » sa future MSP à Clichy-sous-Bois…
Les anecdotes sur les sujets qui fâchent retiennent l’attention, par exemple lorsqu’une gynécologue-obstétricien raconte ses débuts compliqués dans une clinique, face aux exigences tarifaires « inadmissibles » de sa direction lui réclamant 10 % de reversement d’honoraires (sans secrétaire ni aide opératoire). « Il vaut mieux se faire aider par un avocat au moment de signer son contrat, on est un peu naïfs… », conseille-t-elle. Mais la bonne humeur est de mise. « Demain, vous allez passer plus de temps à votre cabinet que chez vous. Donc l’important… c’est de bien choisir son bureau et surtout son fauteuil », recommande le Dr Guislain Ruelland, vice-président de l’Ordre des médecins du 93. Un autre secret pour une installation confortable, en Seine-Saint-Denis ou ailleurs.
(1) Outre l’Ordre et l’URPS, la FHP Ile-de-France et trois syndicats de jeunes médecins (représentatifs des internes et des chefs) sont partenaires du portail soignereniledefrance.org
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique