IL EST trop tôt pour tirer un bilan du « P4P » à la française, ce nouveau système ambitieux de paiement sur objectifs des médecins libéraux entré en vigueur au 1er janvier (voir ci-dessous les modalités du dispositif). Mais l’étape de lancement est du moins franchie, dans une perspective de généralisation. Selon les données encore non définitives colligées par les caisses primaires, les refus de praticiens d’adhérer au dispositif sont restés ultraminoritaires - selon la CNAM, « moins de 1 % » des médecins, soit quelques centaines de professionnels, ont explicitement signifié à leur caisse leur refus de bénéficier des primes à la performance, en adressant un recommandé avec accusé de réception avant le 26 décembre. Les chiffres définitifs de rejet du P4P seront connus à la mi-janvier.
Système perfectible.
Du côté des syndicats médicaux signataires, ce premier résultat, sans grande surprise au demeurant, est un motif de satisfaction qui ne doit pas masquer l’ampleur du défi. « Les médecins généralistes sont des gens raisonnables et pragmatiques, explique le Dr Claude leicher, président de MG France. Il s’agit d’un système optionnel, constructif. Cela n’empêche pas qu’il est perfectible et soulève de nombreuses questions scientifiques, sur la pertinence des indicateurs, techniques...». Pour le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, le taux minime de refus des médecins est une réponse claire et nette aux organisations qui avaient « imprudemment appelé au boycott ». « On peut être contre le choix de tel ou tel indicateur, discuter de sa pertinence scientifique, mais franchement refuser d’être rémunéré pour s’informatiser, j’ai du mal à comprendre... ». De fait, si les médecins généralistes pourront accéder dès la première année aux bonus liés à l’ensemble des indicateurs de santé publique, les spécialistes, eux, ne sont concernés pour l’instant que par le (premier) volet du P4P relatif à l’informatisation et l’organisation du cabinet. Une extension progressive du P4P est prévue en commençant par les cardiologues (un avenant est déjà envisagé pour fin février) mais aussi pour les endocrinologues, les gastroentérologues ou encore les pédiatres.
Il demeure que depuis l’instauration de ce P4P dans la convention, plusieurs voix très critiques se sont élevées dans la profession contre un système jugé contestable scientifiquement, source de conflit d’intérêt, contraire à l’éthique... Le Syndicat de la médecine générale (SMG) avait exhorté les médecins à refuser le système de P4P. D’autres associations, collectifs ou coordinations locales avaient appelé au refus de ce mécanisme de primes au mérite. Des pétitions de rejet avaient été lancées, dans le Finistère par exemple. Union Collégiale (UC) avait déposé un mot d’ordre national contre ce système « en contradiction avec les notions d’éthique médicale et de liberté d’exercice ».
La clé de l’accès aux données.
Le chantier du P4P sera jugé sur pièces, brique par brique. « Nous sommes assaillis de questions », concède le leader de la CSMF (dont la branche généraliste - UNOF - a mis au point une calculette numérique P4P...). De leur côté, les délégués de l’assurance-maladie auraient rencontré environ deux tiers des généralistes concernés pour faire la pédagogie du P4P.
Dans l’immédiat, les partenaires conventionnels s’attellent, avec les éditeurs de logiciels, à garantir le bon déploiement technique du dispositif. Outre la mise à disposition de logiciels de prescription validés par la HAS, un des principaux enjeux sera le suivi en temps réel des indicateurs d’activité dans le cadre du paiement sur objectifs. « Pour que les médecins adhèrent, il faut que les logiciels soient parfaitement P4P compatibles », résume un leader syndical. Les principaux éditeurs ont mis le turbo pour assurer aux médecins les mises à jour techniques indispensables. L’enjeu, pour la profession, est d’avoir une maîtrise fiable de ses propres données afin de pouvoir les confronter aux chiffres des caisses.
Mais il faudra aussi limiter les bugs, les blocages, les erreurs, ajuster surtout les indicateurs de santé publique (à la réalité de la pratique, aux données de la science), car le système est amené à évoluer. Par nature, le paiement à la performance va nourrir la discussion scientifique sur les bonnes pratiques médicales, la mesure de la qualité. Le Collège de la médecine générale (CMG) appelle déjà « à la plus grande vigilance » en soulignant que les indicateurs de performance ne sont que des outils avec « leurs limites et leurs risques ». Le risque, par exemple, serait de méconnaître les effets liés aux caractéristiques sociales de la patientèle ou d’un territoire, entraînant des effets pervers.
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