Les médecins généralistes sont-ils suffisamment armés pour soigner les enfants ? L'Académie nationale de médecine semble en douter. Elle réclame une « refonte urgente de l'enseignement de la discipline pour former des généralistes à la pédiatrie ».
En raison de la diminution constante de leur nombre, les 2 400 pédiatres qui ont un exercice libéral ou mixte ne suffiront pas à assumer seuls la mise en place du médecin traitant de l'enfant prévu dès la naissance dans la loi de santé, explique l'Académie.
Les généralistes, qui suivent déjà 80 % des patients de 2 à 18 ans, devraient devenir le plus souvent les médecins traitants des enfants, d'où la nécessité, selon les académiciens, d'aménager leur formation pour aborder les thèmes essentiels que sont la néonatologie et le suivi des prématurés, les urgences pédiatriques, la vaccination, les troubles nutritionnels, scolaires ou de l'adolescence...
Situations à risque
L'Académie souhaite à cet effet que tous les internes de médecine générale réalisent un stage de six mois obligatoire dans un pôle mère-enfant au cours duquel les internes seraient en pédiatrie ou en gynécologie – ou dans les deux services en alternance – pour se former à la pédiatrie ambulatoire et aux situations à risque.
De nouveaux objectifs de formation pédiatrique devraient être spécifiés lors du semestre réalisé en cabinet de ville sous la houlette des maîtres de stage. Enfin, des stages annexes en PMI, en planning familial, avec un semestre optionnel (SASPAS), pourraient être proposés aux internes en médecine générale.
L'Académie suggère d'associer les pédiatres libéraux, hospitaliers et de PMI à l'enseignement des futurs généralistes. Elle recommande que le DES de pédiatrie soit porté de 4 à 5 ans, à l'instar de la formation proposée par de nombreux pays européens.
Généralistes implantés dans les quartiers difficiles
Cet appel à réformer la formation des généralistes est diversement perçu par la profession. « Que l'Académie se préoccupe de la formation des médecins et des généralistes en particulier, c'est très bien, mais elle pourrait aussi recommander aux facultés de s'occuper un peu mieux de la filière universitaire de la spécialité, réagit le Dr Claude Leicher, président de MG France. Nous réalisons déjà plus des trois quarts des actes de consultation des enfants de moins de 16 ans depuis longtemps et s'il y avait un problème, nous le saurions. »
Les généralistes sont toujours prêts à améliorer la qualité de la prise en charge des enfants, ajoute le patron de MG France. Certains sujets de santé publique requièrent une attention particulière comme le suivi de la vaccination ou l'obésité. Pour MG France, il ne s'agit pas d'un problème de compétence ou de formation mais plutôt de lieu d'exercice. « Les généralistes sont implantés dans les quartiers difficiles, là où les recommandations de santé publiques pénètrent le moins », affirme le président du syndicat de généralistes.
Les internes de médecine générale sont de leur côté favorables à une évolution de leur cursus. Leur intersyndicale (ISNAR-IMG) réclame, en plus d'un semestre obligatoire en cabinet libéral (dit SASPAS), un stage pendant l'internat en pôle mère-enfant en dehors de l'hôpital, au sein de centres de protection maternelle et infantile (PMI) ou chez des généralistes présentant des exercices orientés vers la gynécologie ou la pédiatrie. « Aujourd'hui, notre maquette ne prévoit qu'un seul stage obligatoire en gynécologie ou en pédiatrie et rarement, les internes peuvent réaliser trois mois en gynécologie et trois mois en pédiatrie. C'est dommage, car un stage couplé serait idéal », commente Yves-Marie Vincent, président de l'ISNAR-IMG.
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