LE DISPOSITIF existe depuis 2005 et son appellation n’est pas franchement sexy. « Cabinet secondaire », ça sonne plutôt administratif, ça ne fait pas rêver. Et c’est bien dommage, à en croire le Dr Patricia Blanc-Wolville, généraliste de Rhône-Alpe fraîchement convertie à la formule et... complètement accro.
Chaque jour partagé en deux, deux cabinets, deux patientèles très dissemblables réparties entre deux zones distantes de 60 kilomètres, l’une urbaine et l’autre rurale : le Dr Blanc-Wolville voit double depuis quatre mois et cela la ravit. « J’ai deux vies complètement différente, se réjouit-elle, et si cela me chante, je peux faire un petit coup de bateau en mangeant un sandwich avant de passer de l’une à l’autre. » Du bateau ? C’est que le « cabinet bis » est sis à Serrières-de-Briod, dans le Bugey, une région coincée entre Lyon et Genève où les lacs sont légion.
Pour Patricia Blanc-Wolville, le cabinet secondaire est un bol d’air au propre comme au figuré. Sa « base » est à Ecully, 20 000 habitants, dans la première couronne de Lyon. Elle s’y est installée il y a trois ans, « sur le tard », explique-t-elle, après avoir vu grandir ses quatre enfants. Treizième généraliste de cette commune bourgeoise, elle y avait fait son trou quand, en promeneuse, elle a découvert le Bugey – « un endroit magnifique » – puis, par hasard, Serrières-de-Briod, 1 000 habitants. C’était il y a un an. La commune et 19 autres autour s’inquiétaient de voir partir leur dernier médecin. « Ils avaient commencé à rentrer dans un circuit pour recruter un médecin roumain », raconte la généraliste qui s’est vite dit : « Et pourquoi pas moi ? » Connaissant vaguement le principe du cabinet secondaire – un cousin dermatologue à Lyon avait essuyé les plâtres en se dédoublant à Villefranche –, le Dr Blanc-Wolville s’est jetée à l’eau. « J’ai dit : j’aimerais bien venir dans votre commune ». De soulagement, la mairie a mis un local à sa disposition « pour un prix dérisoire ». Une fois réglées les formalités administratives et le quitus de l’Ordre accordé (pour une période de trois ans), l’affaire était réglée.
Œuvre utile.
Qu’est-ce qui plaît tant au Dr Blanc-Wolville ? « Le mouvement, répond-elle sans hésiter une seconde. Je suis une femme de 50 ans qui s’aère et qui fait ce qu’elle aime. » La découverte d’une autre façon d’exercer la médecine y est sûrement aussi pour quelque chose. Tout comme le sentiment de faire œuvre utile. « J’ai réalisé, dit-elle, qu’il y a des déserts médicaux graves à 40 minutes de Lyon », avant d’ajouter que, maître de stage, elle montre à son étudiant non seulement que la médecine générale « est une médecine intéressante » mais lui permet de découvrir l’exercice rural. « À Serrières-de-Briod, on n’est pas du tout dans un trou, la commune est d’ailleurs en train de créer une maison de santé pluridisciplinaire. Il n’y a pas que des paysans, beaucoup de mes patients travaillent en ville ! » Le stagiaire saura tout ça quand se posera pour lui la question de l’installation, espère la généraliste.
Autres lieus, autres mœurs, les patients du matin du Dr Blanc-Wolville ne ressemblent pas à ceux du soir. « Au niveau pathologique, c’est un peu la même chose, constate-t-elle, mais les comportements sont différents. À Serrières-de-Briod, les gens sont observants, ils croient en vous. Et puis ils consultent tard, quand ils sont au bout du rouleau – ils se soignent parfois à la gnôle avant. Ils ne viennent pas pour rien. Pour la petite histoire, certains arrivent quasiment jusqu’au cabinet en tracteur ! » À la campagne, « le téléphone, c’est encore de l’argent, les gens préfèrent passer » tandis qu’aux portes de Lyon, « on ne vient que sur rendez-vous ». Enthousiaste, la généraliste « volante » qui ne se décrit surtout pas comme « une baroudeuse », ne veut dire qu’une chose à ses confrères : « Avoir deux cabinets, c’est possible ! »
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