Un mois presque jour pour jour après l’échec des négociations conventionnelles, le directeur général de la Cnam a adressé samedi une main tendue aux généralistes, à l’occasion du 16e congrès du Collège de médecine générale (CMGF) organisé à Paris. « C’est une occasion manquée pour les patients et les médecins, mais pour nous le dialogue n’est pas rompu », a assuré Thomas Fatôme.
Pendant plus d’une heure, il a pu échanger avec des praticiens, souvent épuisés. Des témoignages empreints d'émotions et parfois aussi de colère. « J’ai augmenté ma rémunération, mais au prix de ma santé, désormais il y a deux solutions, soit crever, soit se barrer », témoigne Barbara, jeune généraliste. « Je fais 45 heures par semaine, j’ai la vie des gens entre mes mains et je gagne 3 000 euros par mois, vous trouvez ça normal ? », interpelle Isabelle, une autre généraliste, la gorge nouée.
Alors qu’un médecin de famille de Mulhouse a reproché à Thomas Fatôme la « violence de la caisse », le patron de la Cnam a récusé ce terme mais s’est dit « sincèrement très touché par les témoignages ». « Il y a un malaise, une fatigue et des risques de burn-out des médecins que je prends extrêmement au sérieux », a-t-il assuré.
« C’est un échec cuisant »
Invité à revenir sur quatre mois de négociations avec les syndicats de libéraux, le directeur de la Caisse a souligné « qu’il n’y avait jamais de vainqueur, jamais de vaincu lors d'un échec ». « Pour beaucoup de généralistes, c’est un échec cuisant, dramatique sur le terrain », lui a cependant rétorqué le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, rappelant que la convention proposée par la Cnam comportait des propositions « inacceptables ».
Accès aux soins, attractivité de la médecine générale et simplification administrative : « Nous partagions les mêmes objectifs que Monsieur Fatôme, alors pourquoi n’avons-nous pas pu signer ? », interroge la Dr Agnès Giannotti. Pour la présidente de MG France - au-delà d’une enveloppe largement insuffisante accordée aux soins primaires - les négociations conventionnelles ont pâti d’une méthode vouée à l’échec.
La généraliste parisienne a ainsi fait un parallèle avec la réforme des retraites : « En février, le ministre de la Santé a dit que nous ne savions pas négocier, que nous n’avions jamais fait de propositions et que nous étions irresponsables... Et rappelez-vous ce qu’a dit Emmanuel Macron il y a trois jours sur la CFDT : ce sont les mêmes propos, mot pour mot ! ».
Alignement des généralistes sur les spécialistes ?
S’il se souvient de remarques « extrêmement désagréables sur l’Assurance-maladie » lors des pourparlers avec les syndicats, Thomas Fatôme a effectivement concédé qu’il faudra « se reposer la question de la méthode et de comment améliorer les discussions ». En même temps, le patron de la Caisse a assumé une proposition de convention « massivement dirigée vers la médecine générale, avec une revalorisation nettement supérieure aux autres spécialités ».
Demande de longue date de MG France, Thomas Fatôme ne ferme pas non plus la porte à une harmonisation des honoraires des généralistes avec ceux des autres spécialistes. « Aujourd’hui, quand je vois que les généralistes gagnent en moyenne 90 000 euros par an, contre 140 000 pour les spécialistes, je me dis que ce n’est pas normal, qu’il faut rééquilibrer cela », a-t-il reconnu.
« Les atteintes des médecins sont parfaitement légitimes »
Depuis trois semaines, syndicats médicaux et Assurance-maladie ont pu échanger avec l’arbitre en vue de la rédaction d’un règlement arbitral attendu fin mai. « Il y a une telle attente, que nous avons appelé à une reprise rapide des négociations », indique le Dr Duquesnel, qui souhaite voir figurer dans ce texte provisoire les aides sur les assistants médicaux, la hiérarchisation des actes et la revalorisation du forfait patientèle médecin traitant, proposées par la Caisse. « Mais on ne reprendra pas les négos s’il y a le contrat d’engagement territorial », martèle le généraliste de Mayenne.
« Il faudra mettre cinq milliards d'euros, peut-être sur plusieurs années, si on ne veut pas que la médecine générale coule », affirme pour sa part le Dr Claude Bronner. Le vice-président de l'Union Généraliste (FMF) invite les pouvoirs publics à mettre les moyens pour que les médecins puissent « travailler avec du personnel, que ce soit un assistant médical, une IPA ou une infirmière Asalée ».
« Votre souhait de réenclencher les négociations conventionnelles est partagé par l’Assurance-maladie », a répondu Thomas Fatôme. « Je suis confiant et optimiste, on doit y arriver », rassure-t-il, convaincu que « les attentes des médecins sont parfaitement légitimes ».
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