Six mois après son élection, le Dr François Arnault, nouveau patron de l'Ordre national des médecins (Cnom), s'est plié à l'exercice des vœux à la profession, en présence d'Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée des professions de santé, en essayant de fixer ses lignes jaunes. « Dans une période aussi difficile, où le colloque singulier est remis en cause par certains partenaires, je réaffirme que seul le médecin a la connaissance par sa formation de la globalité de la santé de son patient », a cadré l'ORL à l'adresse de la ministre.
Une semaine après les annonces d'Emmanuel Macron pour refonder un système de santé « à bout de souffle », l'élu ordinal a concédé que « l'immobilisme n'est pas acceptable » pour prendre en charge les 6 millions de Français (et 650 000 en ALD) sans médecin traitant. Néanmoins, a-t-il martelé, « le médecin traitant doit être la porte d'entrée dans le soin et bien le verrou… contre la médecine à deux vitesses ! » Une pique directe au chef de l'État qui avait, lui, expliqué que le médecin traitant ne devait surtout pas être « le verrou » de notre système. La petite phrase ordinale, laissant supposer le risque d'instaurer une médecine à deux vitesses, a fait réagir aussitôt Agnès Firmin Le Bodo. « Ce n'est pas bien… »
Soutien aux confrères
En dépit de ce point de friction sur l'accès aux soins, le président de l'Ordre ne se montre pas hostile aux réformes : déploiement des assistants médicaux pour dégager du temps médical, lutte contre les lapins ou allègement du temps administratif. Il dit aussi vouloir apporter un « soutien inconditionnel à nos confrères dans les négociations conventionnelles, sans aller plus loin, l'Ordre devant rester en dehors de ce combat syndical légitime ». Pour l'ORL, l'un des facteurs du « désengagement » des médecins à l'installation est « financier », outre des conditions de travail dégradées.
Le Dr Arnault appelle de ses vœux une organisation « territoriale, personnalisée et coordonnée par le médecin ». Ce dernier doit être épaulé par la médecine spécialisée, avec des consultations avancées organisées. « Aucun professionnel ne saurait se substituer au médecin pour permettre de le contourner dans ses fonctions régaliennes de diagnostic de choix thérapeutique », a-t-il martelé à nouveau.
Divergences
Face à la ministre, le patron de l'Ordre des médecins a tenu aussi à marquer son terrain face à la partition jouée un peu trop fort par l'Ordre des infirmiers. Ce dernier a réclamé une série de consultations en « accès direct » et une autonomie renforcée de la profession infirmière pour faire bouger les lignes.
Désormais, c'est la proposition de loi Rist, examinée par l'Assemblée nationale, ouvrant la porte à des accès directs aux paramédicaux (IPA, kinés, orthophonistes) qui concentre ses critiques. « Ce que j'ai vu dans ce projet de loi, c'est une erreur. C'est le médecin qui doit faire le diagnostic quelle que soit la pathologie », a-t-il avancé.
Insécurité
Au-delà de ce sujet sensible de l'accès aux soins, le Dr Arnault a engagé l'institution, « modernisée, rajeunie », sur la réflexion sur la fin de vie. Loin de vouloir interférer dans ce débat sociétal, son objectif est « d'accompagner les médecins dans la compréhension de la loi et surtout de les protéger dans leur exercice en préservant la clause de conscience plus que jamais fondamentale ».
Enfin, il a appelé les pouvoirs publics à protéger les médecins face aux problèmes d'insécurité grandissants. Selon Agnès Firmin Le Bodo, le gouvernement fera des propositions construites avec les Ordres sur cet enjeu « collectif ».
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