Paris (75)
Pr Claude Huriet*
Lors des Assises du médicament, je n’ai pas « stigmatisé » le « hors AMM » des médicaments pédiatriques, comme certains médias l’ont mentionné récemment.
Bien au contraire, j’ai souligné – et ce n’était d’ailleurs pas la première fois – « les vraies raisons » qui expliquent, et pas seulement en France et en Europe, la fréquence des prescriptions hors AMM chez le tout petit, (les 30 % souvent évoqués n’ont aucun sens), et l’inefficacité des dispositions prises par les autorités de santé tant européennes que nationales.
Pour faire court, je reprendrai les réflexions que j’ai présentées lors de mon audition par le groupe 3 des Assises le 10 mai 2011 :
- Tous les pédiatres le savent : le nouveau-né, le petit enfant, n’est pas « un adulte en miniature ». Il n’est pas possible d’extrapoler des études faites chez l’adulte la posologie et les conditions de prescription d’un médicament : la définition des doses unitaires par rapport au poids est inadaptée et le risque d’un surdosage ou d’un surdosage existe.
- En conséquence, les études pharmacologiques, pharmacodynamiques, toxicologiques qu’impose la réglementation européenne en matière d’AMM sont indispensables… mais en pratique difficilement réalisables. En effet, obtenir l’accord des parents pour effectuer de telles recherches chez les tout-petits est difficilement sollicité exceptionnellement obtenu.
- Ce sont là les vraies raisons qui expliquent que les dispositions réglementaires, y compris celles qui imposent des exigences particulières aux laboratoires pharmaceutiques, ne peuvent avoir qu’une portée limitée.
N’ayant pu à ce jour prendre connaissance du rapport de l’Académie je me borne à constater qu’en l’état actuel, comme pour toute prescription hors AMM, c’est la responsabilité du prescripteur qui est seule engagée.
Qu’en pense l’Académie ?
* Sénateur honoraire
Les media et l’antisarkozysme
Beaune (21)
Dr Pierre Noël
Le 6 mai 2012, Monsieur Hollande a été élu par 51,6 % des Français, comme président de la République française. Ce n’est pas une marée ni un déferlement. À peine une petite majorité.
La notion d’antisarkozysme, dont parle (...) « le Quotidien du Médecin » n° 9126 du mardi 15 mai 2012, tout de même relativisée par le vote des 48,40 % autres Français, a été construite, développée, entretenue par les médias et leurs journalistes depuis 10 ans. Ils n’ont cessé de désigner Nicolas Sarkozy comme la personne à abattre, par tous les moyens, sans un arrêt objectif sur ses actions au service du pays, pendant ces années. Chacun s’est évertué à le conspuer, à rechercher tout ce qui était possible pour le déstabiliser. Il a plutôt bien résisté, seul contre tous.
Alors, non, ce n’est pas la crise qui a eu raison du Président, mais bien l’antisarkozysme primaire, véhiculé, insinué, ressassé sur tous les médias, par des journalistes prompts à distiller le fiel.
Hélas, peu de Français disposent d’une tribune pour répondre à cette médiocrité qui leur est imposée. Nous refusons le formatage de pensée et d’opinion qu’une « manière journalistique » veut nous infliger, et nous la jugeons inadmissible.
(...) L’amertume est venue aussi de la médiocrité de la campagne électorale. Jamais elle ne s’est élevée, volant toujours au ras de terre, servie par des journalistes de télévision qui n’avaient pas une vue très élevée de l’événement. (...) Aucune occasion médiatique de médiocrité n’a été perdue. Tout est ressorti à tous moments. À croire que pour les Français, l’importance des événements politiques de ces cinq années se résumaient à un dîner au Fouquet’s d’un président élu, mais non encore en fonction, les quelques jours passés sur le bateau de Monsieur Bolloré, l’interminable affaire Bettancourt ? C’est peu pour quatre années de crise sur un quinquennat, et comme d’habitude, c’est de l’étranger que vient l’admiration pour ce qu’il a fait.
Finalement, la maîtrise de Nicolas Sarkozy, tout au long de cette crise, a fait peur à beaucoup pour l’avenir, surtout si la niche fiscale dont ils bénéficiaient était menacée. Il fallait donc assurer le succès de Monsieur Hollande comme garantie de pérennité de cette niche, et non pour son programme ou ses capacités. Car avant les primaires socialistes, personne ne donnait un sou du succès de Monsieur Hollande, pas même dans son parti où il avait été dit tant de jugements sur lui. Maintenant qu’il est élu, les médias l’encensent, l’adulent, lui trouvent toutes sortes de qualités. Que n’a-t-on entendu pendant le sommet du G8, et la réunion des pays de l’OTAN ! Sur ses capacités, sa maîtrise, son autorité.
Aujourd’hui, pour ceux qui sont capables de discernement, l’attente dans l’observation est la seule attitude dans la dignité. L’élan d’enthousiasme que j’ai reçu comme indécent au soir du 6 mai (poursuivi par ce que les citoyens laïcs appellent « état de grâce » !) va vite retomber quand le premier gouvernement Ayrault va être confronté aux véritables difficultés du pays, économiques et sociales. Nous jugerons sur actes, sans le secours des intermédiaires médiatiques habituels. « Moi, Président, je… » : depuis cette litanie ridicule, le héros est arrivé. Alors, Zorro, à bientôt pour les comptes. En 2007.
L’autre remède à la désertification
Le Tampon (97)
Dr Jean Dorémieux
Peut-on « concilier les impératifs de santé publique et les aspirations des futurs confrères ? » Oui ! Existe-t-il une solution à la désertification rurale, ultramarine, et à celle des cités difficiles ? Oui, mais sur la base du volontariat qui justifie d’être formé pour exercer en lieux isolés et sur la base d’être payé pour tous les actes même s’ils sont réalisés dans la journée en tiers payant intégral.
Si on veut donner une chance réelle aux jeunes généralistes volontaires qui voudraient partir dans des zones dépourvues de médecins, et si on veut éviter, qu’une fois installés, ils transfèrent, à 80 km de leur cabinet la moitié de leurs patients pour des bilans et suivis de toutes sortes, il faudrait apprendre à ces jeunes médecins volontaires les gestes essentiels que les médecins isolés doivent tous savoir réaliser.
Lesquels ? Une biologie basique avec des automates comme le font les généralistes allemands entreprenants, une cardiologie de base mais avec une téléconsultation sur un CHU, de la radiologie et de l’échographie simples, de la traumatologie essentielle du membre supérieur : sutures, plâtres, etc. Voire savoir faire des accouchements et même des césariennes, savoir être urgentiste, savoir, aussi, être propharmacien.
Six stages de six mois en Internat soit trois ans de plus d’Internat en toutes disciplines utiles, j’en ai peut-être oublié, seront des plus utiles si on veut faire sérieux avec un titre sur la plaque : « Médecin généraliste à exercice multidisciplinaire ».
Pour que ces deux investissements en études et en matériels soient véritablement rentables pour ces jeunes médecins volontaires, tout comme pour éviter à la Sécurité sociale les coûts de déplacements et d’évacuations sanitaires élevés, il faut donner à ces médecins volontaires deux avantages :
1) le droit de cumuler les actes des exercices vus ci-dessus faisables sur place dans une seule séance de diagnostic,
2) vu les moyens en général réduits de ces populations (paysans pauvres, DOM-TOM en assistance, chômage des banlieues), instaurer, comme en Allemagne où ce système existe depuis des lustres, le Tiers payant intégral trimestriel, quelle que soit la hauteur des honoraires demandés, soit par cumul des actes en une séance, soit pour rentabiliser les appareils achetés.
Signé : un médecin urologue en retraite qui a fait 14 remplacements en médecine générale, qui a exercé 50 ans en urologie avec en plus des remplacements en gynéco, en chirurgie, en traumatologie, en addictologie, et qui a vécu en Allemagne 45 ans, marié à une ophtalmologiste allemande.
Réguler l’installation : erreur de méthode
PARIS (75)
Dr Bernard Kron
Les récentes déclarations de l’Ordre sont choquantes !
Les lieux d’exercice seraient déterminés par l’agence régionale de la santé (ARS), en fonction des besoins, en liaison avec le conseil régional de l’Ordre. Cette règle s’appliquerait aussi aux médecins qui choisiraient le remplacement et aux médecins à diplôme étranger.
Le président de l’Ordre se trompe lourdement sur la méthode ! On parle de prolonger d’un an l’internat de médecine générale. Douze ans d’études, c’est trop. On forme des médecins qui, pour le plus grand nombre, exerceront dans une spécialité autre que la médecine générale. Il faudrait au contraire raccourcir d’un à deux ans ce cycle, ce qui permettrait de mettre « sur le marché » 4 000 médecins de plus chaque année.
Si cette décision était reprise par le ministre, ce serait à terme sonner le glas de la liberté d’installation et aggraver la pénurie, car les meilleurs étudiants se détourneront de la médecine générale et choisiront une spécialité ou un poste hospitalier.
Il est irréaliste d’imposer un lieu d’installation après des études aussi longues. Nous sommes donc à la croisée des chemins : si rien n’est fait pour corriger le tir, les étudiants les plus performants vont se détourner des spécialités lourdes et de la médecine générale, pour chercher des situations plus intéressantes. Les plus pointus vont partir vers des pays plus attractifs, tant financièrement qu’en termes de possibilités de carrière (USA, Canada, UK, Australie… qui actuellement sont demandeurs).
La féminisation des promotions fera que les spécialités les plus exigeantes, physiquement, en temps et en termes de risques, seront mal ou non pourvues. Nombre de préretraités partiront avant la limite, et aggraveront la pénurie inéluctable pour les années à venir. Il est moins coûteux d’attirer des médecins accomplis que de les former !
Les postes vacants seront ainsi laissés à des collègues étrangers qui n’ont pas nos diplômes (un médecin roumain, hongrois, tchèque gagne de 700 à 1 200 euros par mois dans son pays). Pour faire face à la pénurie de libéraux, les établissements privés risquent de salarier leurs praticiens ou de prendre des vacataires, comme certains hôpitaux. Le niveau général des équipes baissera, ce qui amènera plus d’incidents, d’erreurs et d’accidents. L’allongement des listes d’attente dans le privé rejoindra celles du public.
* Membre du comité de l’Internat de Paris
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