14 665. C’est le nombre de praticiens (tous modes d’exercice confondus) qui ont choisi de poursuivre une activité professionnelle après avoir fait valoir leurs droits à la retraite. Le dernier Atlas de la démographie médicale de l’Ordre des médecins recense 65 548 médecins retraités. Ce sont donc un peu plus de 20 % d’entre eux qui ont choisi de poursuivre une activité tout en percevant leur pension.
Amour du métier, crainte de la chute soudaine des revenus, volonté d’accompagner un successeur, refus d’abandonner une patientèle...: les raisons de ne pas vouloir raccrocher sont nombreuses.
Suppression du plafond
Même si le dispositif concerne – selon des modalités diverses – tous les médecins (libéraux, hospitaliers, salariés, fonctionnaires, militaires) la majorité de ceux qui ont opté pour le cumul sont des libéraux.
Au 1er janvier 2015, 9 992 médecins de ville exerçaient ainsi en cumulant leur retraite avec une activité professionnelle, soit les deux tiers de ceux qui ont opté pour ce dispositif (lancé en 2003 quand on a commencé à évoquer la désertification médicale).
Le retour de balancier a été spectaculaire : alors que depuis la fin des années 80, on incitait les médecins à prendre une retraite anticipée via le mécanisme du MICA (l’objectif était alors de réduire l’offre de soins ambulatoires et de contribuer à maîtriser les dépenses d’assurance-maladie), la loi Fillon d’août 2003 a au contraire encouragé les praticiens libéraux (en âge légal de faire valoir leurs droits) à cumuler leur retraite avec la poursuite d’une activité médicale. À l’époque, il fallait toutefois que le revenu net tiré de cette activité soit inférieur au plafond de la Sécurité sociale. En cas de dépassement, la retraite était suspendue, rendant le dispositif sensiblement moins attractif qu’aujourd’hui.
Il aura fallu attendre la loi de financement de la Sécurité sociale de 2009 pour « libéraliser » ce dispositif en supprimant le plafond de ressources. Les médecins retraités libéraux justifiant d’une durée de cotisation suffisante pour obtenir une liquidation à taux plein, ou s’ils ont atteint l’âge de 65 ans, pouvaient cumuler sans restriction leur retraite avec le revenu d’une activité médicale. De nouvelles modifications sont intervenues cette année, sans remettre en cause la possibilité de cumul intégral (sous réserve d’avoir liquidé l’ensemble des retraites personnelles).
Médecin généraliste libéral, 69 ans, habitant à Marseille...
Sans surprise, c’est depuis ce déplafonnement des revenus que le nombre de bénéficiaires s’est envolé (même si les cumulards se doivent de cotiser à fonds perdus...).
En 2009, ils n’étaient encore que 1 814 libéraux à avoir basculé, mais cinq fois plus au 1er janvier 2015.
À noter cependant que cette flambée du nombre de « cumulards » s’inscrit dans un contexte de départs massifs de praticiens à la retraite. Rapporté au nombre de ces départs, il n’est pas prouvé que le nombre de praticiens ayant opté pour la retraite active en 2014 soit proportionnellement beaucoup plus important que celui de 2003.
Les médecins qui cumulent sont très majoritairement des hommes (82 %). Les statistiques de la CARMF précisent que ces derniers, âgés en moyenne de 69,5 ans. Sans surprise, la médecine générale est de loin la discipline la mieux représentée (4 503 médecins), suivie par la psychiatrie (1 168), la radiologie (479), la cardiologie (471) et l’ophtalmologie (428).
Maintenir son niveau de vie
Seul bémol : alors que le cumul emploi retraite (et son assouplissement) avait été imaginé notamment pour lutter contre les déserts médicaux, les candidats au cumul exercent très majoritairement dans des zones où le manque de praticiens ne se fait pas trop cruellement sentir. Les plus gros bataillons (40 %) se retrouvent en Ile-de-France (3 029) et dans la région de Marseille (1 331). « Ce sont les deux régions de France où la vie est la plus chère, glisse un leader syndical. Les médecins y choisissent d’abord le cumul pour maintenir leur niveau de vie ». Pas surprenant quand on sait que la retraite moyenne versée au médecin libéral s’élève à 2602 euros par mois en 2015...
L’Ordre des médecins nuance cette vision. Son vice-président, le Dr Patrick Romestaing, souligne que ces régions où se pressent les candidats au cumul sont aussi à très forte densité de population. « Ce que nous disent ces praticiens, continue-t-il, c’est qu’ils ont du mal à trouver un successeur, qu’ils ont une grosse patientèle, et qu’ils sont gênés de la laisser sans médecin ».
À l’heure où un quart des jeunes diplômés ne s’orientent pas vers le soin, pas question de faire la fine bouche. « Toutes les mesures positives sont bonnes à prendre, conclut Patrick Romestaing, c’est toujours mieux que la coercition ».
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