Juste avant les annonces ministérielles sur l'accès aux soins, l'Ordre national des médecins avait tracé sa feuille de route idéale en suggérant de réviser la formation initiale, de revoir le « zonage » des territoires en tension et surtout de mettre en place des solutions multiples issues du terrain.
Vendredi dernier, le Dr Patrick Bouet, président du CNOM, a donc salué le plan de l'exécutif. « Il y a une vraie prise de conscience de ce gouvernement. Il a compris qu’il faut faire confiance aux acteurs du terrain. Reste à savoir comment ces moyens financiers seront fléchés ».
En présentant son atlas de la démographie, l'Ordre avait alerté sur plusieurs points. En matière de formation d'abord. On pensait que l'attribution du nombre de postes d'internes aux ECN (par spécialité et par région) agissait mécaniquement sur la démographie régionale. Or, « nous avons eu des surprises, les résultats sont très hétérogènes d'une faculté à l'autre », explique le Dr Jean-Marcel Mourgues, président de la section santé publique/démographie médicale. Certaines facs attractives comme Toulouse ou Bordeaux ont recensé davantage de médecins diplômés par rapport au nombre d'étudiants admis aux ECN. À l’inverse, Paris a perdu la moitié de ses étudiants initialement admis aux ECN, avec une véritable saignée en médecine générale (postes vacants, choix d'aller exercer en région, etc.). « Ce phénomène doit être étudié plus finement », plaide le Dr Mourgues.
Zéro pointé pour le zonage
Deuxième point : le « zonage » actuel des territoires fragiles réalisé par les ARS est inadapté. Celui-ci permet d'identifier les secteurs éligibles aux aides et incitations financières (notamment conventionnelles). Or, la méthodologie utilisée pose problème. Selon la cartographie ordinale, le nombre de généralistes a baissé de 7 % en cinq ans dans les zones dites sous-denses où ces incitations ont été mises en place – contre 8 % en moyenne. Le résultat est donc très maigre. Les mesures financières prévues par la convention médicale de 2012 se sont révélées « inefficaces », tacle l'Ordre. Le gouvernement a entendu ce message puisque le zonage sera élargi par arrêté dès novembre pour les généralistes (doublement de la population couverte). Certains bonus seront augmentés, par exemple pour doper les consultations avancées. Pour l'Ordre, il faut tenir compte de multiples critères dans le ciblage des zones en souffrance (facteurs socio-économiques, prévalence des pathologies chroniques, couverture numérique...).
Enfin, le recours aux médecins à diplôme étranger n'a pas été un franc succès pour corriger les inégalités territoriales. Selon le CNOM, le nombre de praticiens diplômés à l'étranger qui s'installent en France a pourtant bondi de 90 % en 10 ans (2007/2017). Mais contrairement aux idées reçues, ces médecins... ne s'installent pas non plus dans les zones déficitaires définies par les ARS. « Cette fuite des médecins pose un vrai problème d'organisation des soins pour des pays comme la Roumanie », déplore au passage le Dr François Arnault, délégué général des relations internes.
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