Cela fait plusieurs années qu’il déserte les blocs opératoires. Trop douloureux. Ce gynécologue-obstétricien libéral de 53 ans a pratiqué en 2006 un accouchement difficile qui s’est soldé par une fracture de la colonne vertébrale du nourrisson, au décours de la manœuvre de la césarienne.
« Dans nos études, dans notre pratique quotidienne, on n’est jamais préparé à ce genre de choses, souffle le médecin, le regard dans le vide. Aujourd’hui, je ne peux plus faire mon travail d’obstétricien sereinement, comme avant. Je me cantonne à la consultation ».
Un confrère de dix ans son aîné a vécu la même mésaventure. Il continue à opérer en clinique, mais sans « crier sur les toits » le lourd sinistre qu’il a connu en 2003. Cette année-là, l’obstétricien aux 600 naissances par an pratique un accouchement par forceps, « comme les autres et dans de bonnes conditions », se souvient-il. Mais le lendemain, l’enfant fait une hémorragie intracrânienne, à l’origine de séquelles importantes qui entraînent un lourd retard de développement.
Les deux spécialistes ont été reconnus responsables à 100 %. Au-delà du traumatisme, ils risquent aujourd’hui la ruine, faute de garantie à la hauteur pour faire face aux très lourdes condamnations prononcées à la suite des plaintes des familles : dix millions d’euros pour le premier et 5,7 millions d’euros pour le second.
Sécuriser l’exercice
Ces deux cas ne sont pas isolés. Le Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (SYNGOF) défend une dizaine d’obstétriciens libéraux acculés en raison d’une insuffisance de garantie.
De fait, un fonds de garantie des dommages avait été créé en 2012 pour indemniser les victimes d’accident médical au-delà du plafond d’assurance et sécuriser l’exercice médical, notamment en obstétrique. Mais ce mécanisme de mutualisation financière (abondé par les cotisations des praticiens libéraux – de 15 à 25 euros par an) intervient uniquement pour les réclamations mettant en jeu un contrat d’assurance conclu, renouvelé ou modifié à compter du 1er janvier 2012. Pas avant cette date.
Le SYNGOF bataille donc pour obtenir du gouvernement une extension du champ d’intervention du fonds de garantie aux sinistres les plus graves déclarés entre 2002 et 2012. Un amendement au projet de loi de santé a été déposé en ce sens, voté par le Sénat mais rejeté en commission par les députés. « Faire intervenir le fonds pour une réclamation antérieure à sa création conduirait à augmenter le niveau de cotisation des professionnels finançant le fonds. Une concertation préalable serait évidemment nécessaire », a jugé Marisol Touraine.
Le gouvernement doit remettre le 31 janvier 2016 au Parlement un rapport sur le bilan financier de ce fonds. Le SYNGOF estime que 30 millions d’euros y sommeillent déjà.
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