LE DÉVELOPPEMENT professionnel continu (DPC) modifiera peu le financement de la formation des médecins salariés et hospitaliers. Il va en revanche bouleverser l’économie de la formation des médecins libéraux. Après le scandale du Mediator, les pouvoirs publics ont transformé en profondeur la formation continue des médecins. Le DPC devra montrer patte blanche. Son financement devra être plus transparent, indépendant des laboratoires (même si c’est bien une taxe prélevée sur l’industrie du médicament qui apportera indirectement une grande partie des ressources) et ses acteurs devront être exempts de tout conflit d’intérêts.
Exit la formation professionnelle conventionnelle (FPC). Les grandes associations de FMC, qui bénéficiaient de la manne de la FPC, s’en inquiètent. Des structures qui ont pignon sur rue et qui disposaient des budgets les plus importants de FPC sont sur le qui-vive. C’est le cas par exemple de l’AFML (4,6 millions d’euros de montants versés par l’Organisme gestionnaire conventionnel -OGC- en 2010), MG Form (3,8 millions), FMC Action (2,1 millions), GEMA (1,9 million) ou encore l’UNAFORMEC (1,8 million). « En 2013, nous allons changer de modèle, explique le Dr Bernard Ortolan, expert de la formation à la CSMF. Jusqu’ici, les opérateurs agréés répondaient à des appels d’offres et engrangeaient des crédits de formation. Les médecins s’inscrivaient à des programmes qui leur plaisaient. Demain, ce n’est plus l’opérateur qui aura les fonds mais c’est le médecin qui déterminera le financement des opérateurs. Ce n’est pas un changement anodin ».
Effet dumping ?
Les conséquences vont se faire sentir sur le marché de la formation médicale dès 2012.
Même s’ils sont bien implantés, les acteurs redoutent l’apparition de nouveaux concurrents appâtés par le marché du DPC des 120 000 médecins libéraux. « La concurrence constitue un vrai risque pour nos associations car nous avons des coûts de fonctionnement qui ne sont pas nuls », déclare le Dr Pierre-Yves Lussault, président de l’AFML. « Les opérateurs devront nécessairement se faire connaître, on est davantage dans une démarche commerciale, précise le Dr Ortolan. Il faudra faire venir le client chez soi, la promotion devra être plus pugnace, tous les coups seront permis. »
La dérégulation peut aller loin. « Dans la lignée de la directive Bolkestein, nous pouvons imaginer un marché de formation européen ouvert où se positionneraient des associations de formation allemandes, par exemple », confie un cadre syndical.
Cette nouvelle concurrence peut-elle conduire les associations de formation à tirer leurs prix vers le bas ? Selon plusieurs acteurs influents de la formation traditionnelle, les pouvoirs publics comptent effectivement sur un « effet dumping » dans le milieu associatif. « Certains pensent que les organismes nationaux de formation coûtent trop cher et qu’il faut leur faire la peau, nous a confié sans fard le responsable d’une grande structure. Des syndicats se sont largement "servis" tandis que d’autres se disent qu’ils ont été les dindons de la farce. Les dindons se rebellent et veulent tuer un système qui ne leur a pas profité. »
Par ailleurs, l’absence d’informations précises sur le financement du futur dispositif, et plus particulièrement son montant annuel, place les associations dans une situation délicate. « Nous sommes dans l’expectative car nous ne pouvons pas monter de budget », explique le Dr Lussault (AFML).
Difficile de savoir comment évoluera le marché de la formation. À ce stade, personne ne connaît le montant du forfait individuel qui reviendra à chaque médecin (chèque formation), la part qui sera consacrée au règlement de la formation et celle réservée à l’indemnisation du praticien.
Les syndicats s’organisent.
« Une journée coûte 835 euros dont 390 euros pour le forfait pédagogique, 100 euros de forfait hôtelier et restauration et 345 euros d’indemnisation du praticien, explique le Dr Ortolan. Les enveloppes seront-elles glissantes, fongibles et pourront-elles être utilisées sur plusieurs années, nous ne le savons pas. » « Nous devrons être vigilants sur deux éléments, confie le Dr Marie-Hélène Certain, vice-présidente de MG France, très impliquée sur le dossier de la formation. Il faudra veiller à garder un système très fluide et qui préserve le tissu associatif, nous dit-elle. Il ne faut pas que les associations soient mises en péril par le système qui se met en place. »
Certains syndicats ont pris les devants. Pour adapter son offre de formation au DPC, la CSMF a créé une nouvelle structure, Evolutis DPC. Cette entité rassemble en son sein les trois associations de FMC du syndicat : Formunof, ACFM et Aforspe. Evolutis DPC propose 200 thèmes de formation. « Cette évolution répond à un besoin d’identification de nos associations à la CSMF comme MG Form l’est pour MG France », explique le Dr Ortolan.
Les associations de petite taille sont (un peu) moins inquiètes que leurs grandes sœurs. « La grande différence entre l’ancien et le nouveau système, c’est que les médecins ne seront plus indemnisés que pour 2 jours de formation quand, avant, ils pouvaient l’être pour 8 jours avec la FPC », explique le Dr Jean-Luc Vidal, président d’Escolettas, association de FMC d’Avignon, rattachée à la SFTG. L’association qui compte douze adhérents s’est déjà mise au DPC en programmant deux actions en 2012 consacrées à la prise en charge du patient cancéreux et à l’erreur médicale.
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