Ça chauffe à l'hôpital. Les syndicats d'internes de plusieurs villes (Marseille, Paris, Saint-Étienne, Amiens…) ont exigé ces derniers jours l'application stricte du repos de sécurité à l'hôpital après une garde de nuit. L'Intersyndicat national des hôpitaux (ISNI) a lancé une enquête nationale sur le respect du temps de travail (48 heures par semaine) et du repos de sécurité. En une semaine, celle-ci a déjà recueilli plus de 1 500 réponses.
Ce mouvement de contestation intervient quelques jours après la publication sur le site du « Quotidien » de la lettre de la mère de Maxime, un interne marseillais de 27 ans qui s'est donné la mort mi-février. Les proches du jeune homme souhaitent alerter le public et les autorités médicales sur les conditions de travail à l'hôpital dans le but d'éviter un autre drame (voir tribune page 5).
À ce jour, les syndicats des internes n'ont aucun élément qui permettrait d'établir définitivement un lien de causalité entre le suicide de cet interne et son activité professionnelle. Les conclusions de l'enquête menée par l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), la CME et la faculté de médecine n'ont pas été rendues publiques. Toutefois, pour la mère de Maxime qui en a pris connaissance, le lien entre le suicide de son fils et sa vie professionnelle ne fait aucun doute.
Vers des procédures judiciaires ?
Selon les syndicats, le repos de sécurité n'est pas respecté depuis sa mise en place en 2002. Pourtant, la loi est claire : « un interne ne peut pas être mis dans l'obligation de garde pendant plus de 24 heures consécutives ». La réglementation prévoit une plage de onze heures pendant laquelle l'interne a « une interruption totale de toute activité hospitalière ».
Selon l'ISNI, le non-respect du repos de sécurité est multifactoriel et imputable à une mauvaise organisation des services, à la course post-internat et à un glissement de tâches non médicales vers les internes grignotant leur temps de formation. « Si les hôpitaux ne se mettent pas dans les clous, on lancera des procédures juridiques. C'est tolérance zéro pour l'application du repos de sécurité », affirme Baptiste Boukebous, président de l'ISNI. Une position partagée par le Pr Jean-Luc Dubois-Randé, le patron de la conférence des doyens. « Les jeunes portent le poids du dysfonctionnement de certains services. Ils sont mobilisés pour des tâches qui ne relèvent pas toujours de leur fonction », souligne-t-il.
Le nombre de poursuite des hôpitaux pour violation du repos de sécurité est quasi-nul. « Il y en a très peu car les internes ont peur des conséquences pour la suite de leur carrière », ajoute le président de l'ISNI.
Risques pour les internes… et les patients
Le respect du repos de sécurité est un serpent de mer depuis son entrée en application en septembre 2002. Par ailleurs, un an après la sortie du décret encadrant les 48 heures de travail par semaine des internes (passage de 11 à 10 demi-journées hebdomadaires) certains hôpitaux font toujours de la résistance. Afin de faire un point sur la situation, les internes sont invités à répondre à un questionnaire en ligne sur l'application de la nouvelle réglementation. Les résultats sont attendus au mois de mai.
Selon une enquête menée en 2013 par le syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP), 21 % des internes franciliens ne bénéficiaient pas de leur repos de sécurité (plus spécifiquement dans les services chirurgicaux). Une étude sur les gardes, astreintes et temps de travail, réalisée en 2012 par l'ISNI avait déjà mis en évidence les conséquences néfastes du non-respect du temps de repos sur la qualité et sécurité des soins délivrés : « 15 % des internes interrogés déclaraient avoir commis des erreurs médicales de prescriptions, de diagnostics ou d'actes opératoires au lendemain d'une garde. »
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