LA NEUROLOGIE libérale a-t-elle encore un avenir en France ? La question peut paraître brutale mais elle commence à se poser pour un certain nombre de représentants de la spécialité qui sont bien obligés de constater le peu d’attrait des nouvelles générations pour l’exercice de ville. « C’est un sujet de préoccupation majeur », reconnaît le Dr Evelyne Planque, présidente de l’Association des neurologues libéraux de langue française (ANLLF). « Entre 1980 et 2000, il y a eu une montée en flèche des installations en libéral dans notre spécialité. Depuis dix ans, cela n’augmente quasiment plus. Les quelques neurologues qui s’installent remplacent ceux qui partent en retraite. Mais les dix prochaines années risquent d’être difficiles puisqu’on estime qu’environ 20 % des neurologues libéraux devraient cesser leur activité », constate le Dr Planque.
Selon les derniers chiffres rendus publics par le Conseil national de l’Ordre des médecins, dans le cadre de son Atlas de la démographie, on recense, au 1er janvier 2010, un total de 1 925 neurologues inscrits à l’Ordre : 1 167 exercent en tant que salarié, 407 uniquement en libéral et 351 ont un exercice mixte (libéral et salarié). Cet Atlas permet de constater que les neurologues sont inégalement répartis sur le territoire. On recense ainsi 481 neurologues (salariés et libéraux) installés en Ile-de-France, 214 en Rhône-Alpes, 155 en PACA et 139 en Nord–Pas-de-Calais mais seulement 26 dans le Limousin, 31 en Auvergne, 32 en Basse-Normandie. De façon plus précise, on ne dénombre plus que quatre neurologues en Corrèze ou en Haute-Saône, deux dans la Creuse ou dans les Ardennes et un seul dans la Nièvre, la Meuse et l’Ariège. Il n’y a même plus aucun neurologue inscrit à l’Ordre en Lozère. « Si on regarde uniquement le nombre de neurologues libéraux, on se rend compte de la gravité de la situation. Par exemple, sur toute la région Lorraine, il ne reste plus que 9 neurologues libéraux », souligne le Dr Planque.
Cette désaffection vis-à-vis de l’exercice libéral ne concerne bien sûr pas que la neurologie : elle est constatée de la même façon dans la quasi totalité des autres spécialités. « La médecine libérale connaît toujours un fort désintérêt des nouvelles générations puisque, seulement 8,6 % des nouveaux inscrits au 1er janvier 2010 ont choisi ce mode d’exercice », constate, dans l’éditorial de cet Atlas 2010, le Dr Patrick Romestaing, qui préside la section santé publique et démographie médicale de l’Ordre.
Recréer des liens avec les internes.
Ce constat rejoint celui qui peut être fait par les neurologues. « Aux Journées de neurologie de langue française (JNLF) de 2010, les internes ont présenté un poster sur les souhaits des jeunes neurologues quand à leur exercice futur et seuls 10 % déclaraient envisager de s’installer en ville. Aujourd’hui, il existe chez nos jeunes confrères un désir très fort de sécurité qui les incite à choisir l’exercice hospitalier. On sent aussi une peur de l’inconnu qui les détourne de l’installation en libéral », indique le Dr Planque, en soulignant la nécessité de mieux faire connaître la réalité de l’exercice de la neurologie de ville. « Lors des JNLF, nous avons essayé de recréer des liens avec les internes. C’est primordial car il est clair qu’ils ne savent pas comment nous travaillons. Il faut absolument qu’ils puissent savoir qu’en neurologie de ville, on ne fait pas de la "bobologie", mais qu’on traite toute la palette des pathologies intéressantes de la discipline. Une des solutions pourrait être, comme pour la médecine générale, la mise en place de stages dans les cabinets de ville », souligne la présidente de l’ANLLF.
Pour le Dr Planque, il convient aussi de s’interroger sur le mode d’exercice de la médecine de ville. « Il est évident que le modèle du médecin, exerçant seul dans son cabinet, ne semble avoir plus guère d’avenir. Les jeunes médecins ne veulent plus travailler de façon isolée, mais dans des structures de groupes avec un plateau technique conséquent ».
D’après un entretien avec le Dr Evelyne Planque, présidente de l’Association des neurologues libéraux de langue française (ANLLF).
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