Nîmes (30)
Dr Jacques Jaume
Médecin syndicaliste depuis plus de vingt ans, élu de l’URPS Langedoc-Roussillon Médecins, je souhaite informer l’ensemble des médecins français des pratiques existant dans le département du Gard et qui peuvent se reproduire France entière. J’exprime par ces mots un devoir et une responsabilité d’alerte sur le danger auquel sont exposés les médecins, la médecine, les patients et tous les professionnels de santé.
En effet, se met en place insidieusement et sournoisement un système de harcèlement de la part de certains acteurs du monde de la santé, notamment de l’Assurance-maladie. Cette institution gère un budget conséquent et est en cela une imposante machine administrative. Sa conception datant de l’après-guerre ne correspond plus à notre époque. Cette vieille dame est en danger existentiel et elle essaie de survivre en s’attaquant aux professionnels de santé, dont les médecins.
Ma décision de témoigner et d’alerter est prise de longue date. Sa mise en pratique a été déclenchée parce que j’accompagne pour la onzième fois un confrère dans un contentieux avec la CPAM du Gard. En effet en peu de temps j’ai été amené, directement ou indirectement, à accompagner, à conseiller des confrères dans des conflits avec la CPAM du Gard. Celle-ci a un comportement de plus en plus agressif.
On peut donner comme exemple un courrier adressé à chaque médecin affichant certaines de leurs données personnelles, courrier cosigné par le directeur de la CPAM et le président de la commission paritaire locale, pourtant médecin généraliste à Nîmes. Dans ce courrier en date du 17 mars 2011, le directeur de la CPAM bafoue le secret professionnel et notre code de déontologie. Il est navrant qu’un médecin syndicaliste trahisse ainsi les médecins et se livre à ce genre de pratique. Ce courrier, avec la complicité anti-déontologique de l’un des nôtres, était une façon très anormale de rappeler la réglementation par intimidation. Mes confrères ont été très nombreux à réagir. C’était aussi une attaque en règle contre certains patients.
Médecins en danger.
De nombreux médecins sont confrontés à une cristallisation de contrôles. Quelle que soit leur qualification, leur spécialité, ils sont attaqués par la CPAM qui leur demande des indus très discutables et leur reproche leur pratique qui est cependant directement liée à leur patientèle.
De nombreux médecins n’osent pas se défendre dans notre département ; ils le doivent. Pour preuve deux jugements où des caisses ont été condamnées (jugement du 22 juin 2009 du Tribunal des affaires sociales de l’Hérault, Présidente : Virginie Herment, juge au TGI de Montpellier ; décision du TA de Marseille du 22 novembre 2011, requête du 13 mai 2009 n° 0902993, Président : G.Hermitte). Les patients des médecins mis en cause ne sont pas épargnés. On assiste à de véritables menaces et ultimatums.
Dans les établissements de soins, les médecins conseils pénètrent dans les dossiers médicaux sans autorisations des patients et des praticiens, ils peuvent être accompagnés d’agents administratifs, photocopiant même certaines pièces des dossiers. Les magistrats et les responsables de l’Ordre des médecins devront nous éclaircir sur ces comportements et sur d’éventuelles violations du secret médical.
Certaines injonctions de la caisse ne reposent sur aucun texte. Ces modes opératoires peuvent avoir de graves conséquences. Nous l’avons vu en dehors du Gard, à Wormhout où un kinésithérapeute et son épouse se sont suicidés après avoir reçu une réclamation de la caisse.
Ailleurs, une épouse de médecin, conjoint collaborateur, confrontée durant plusieurs années aux agressions d’une caisse envers son mari – caisse finalement déboutée par le juge – a décidé de créer un collectif sur Internet pour aider les médecins ((http://www.apima.org/img_bronner/harcelement_CPAM.pdf)
Les médecins sont en grand danger. Les caisses emploient des méthodes de management « cynégétiques », isolant le médecin qui pratique seul ou en association. Leurs limiers, les médecins conseils, utilisent les arcanes des procédures administratives pour piéger le médecin et le rabattre sans défense vers le directeur de la caisse qui peut le sanctionner.
À côté de ces agressions, se pose la problématique générale de la « parole donnée » par la Caisse nationale. Notamment pour les chirurgiens qui rencontrent d’énormes difficultés avec de multiples démarches difficiles à réaliser pour obtenir une aide au paiement de leur assurance en responsabilité civile professionnelle. De plus, ils sont stigmatisés par les caisses qui leur reprochent de s’adapter par des dépassements d’honoraires. (...)
Les médecins sont des femmes et des hommes de soin, professionnels d’une relation particulière médecin-malade basée sur la confiance, la compréhension et l’empathie. Ils ne sont ni formés ni formatés aux menaces administratives, aux ambiances et procédures juridiques. Ils essayent d’être vrais, authentiques pour se rapprocher de leurs patients souffrant, et leur apporter une amélioration. Ils sont en grand danger ainsi que leurs patients dans les déstabilisations que provoquent les procédures des caisses. De ce fait la santé de nos concitoyens est elle-même en danger.
Je veux alerter les patients et leurs représentants, décideurs et politiques. Je veux encourager les médecins lorsqu’ils sont agressés, harcelés et attaqués à se défendre et à ne pas avoir peur d’aller au conflit car notre société est malheureusement une société de conflits. (...)
Notre code de déontologie nous oblige à nous protéger pour protéger nos patients. Dans un contexte de crise où les jeunes médecins ne veulent plus s’installer – et nous les comprenons, où les médecins retraités ou futurs retraités sont inquiets pour leur avenir, où les médecins à plateau technique, les hospitaliers qui sont assujettis à des contrôles de management vivent des tensions incompatibles avec la pertinence de leur technique et de leur art, nous devons réagir. Il faut défendre la santé de nos patients. J’en appelle aussi à ces derniers pour défendre à leur tour la médecine.
Permettez-moi de conclure sur cette phrase qui devrait devenir un adage : « Créer c’est résister, résister c’est créer. »
Des solutions pour la démographie, une lettre à Nicolas Sarkozy
Betz (60)
Dr Philippe Boulland (député européen)
Monsieur le Président,
Permettez-moi de vous soumettre un rapide argumentaire à propos d’un aspect des problèmes de santé du quotidien des Français.
L’accès aux soins est une des préoccupations des Français dans le champ de la santé. Le problème de la démographie médicale déficitaire est un frein à cet accès, et pourrait très vite être résolu. L’inversion de la courbe de démographie médicale, en laissant le numerus clausus opérer, s’amorcera vers 2020. Le retour à une situation de normalité antérieure en 2050. Mes propositions auraient un aboutissement en moins de trois ans.
Les mesures financières en faveur des médecins et étudiants, non sans impact positif, ne donnent pas de résultats suffisants. Les maisons de santé pluridisciplinaires, qui sont notre fer de lance, ne font qu’améliorer le patrimoine des collectivités, et rendre plus confortable l’exercice médical pour les médecins et les patients. En aucun cas elles n’apportent de réponse démographique à la hauteur des besoins. J’en veux aussi pour preuve le nombre estimé par ce biais, à terme, de nouveaux médecins en Picardie, région la moins pourvue.
Exerçant encore un peu en zone rurale classée comme sous-médicalisée, dans une maison pluridisciplinaire créée il y a 25 ans, je ne trouve pas pour autant plus facilement de nouvel associé. Et que dire du rapport qualité/prix de ces maisons, pour si peu de résultats ?
Nous avons eu aussi la maladresse d’obliger les médecins en zone surdotées, sous peine d’amende, d’aller exercer en zones sous-dotées, une partie de leur temps… Comment peut-on concrètement leur demander cela ? Déménager, se couper de leur famille et d’autres engagements, redevenir remplaçants, etc. ?
Mon propos critique n’a d’intérêt que s’il débouche sur des propositions ; les voici, elles ne vont pas à l’encontre de nos grandes orientations et sont, j’ose le croire, pragmatiques et rapidement efficaces.
Tout d’abord, il faut respecter la liberté d’installation dans son ensemble. Pour autant, en période de crise, quelques aménagements sont envisageables, à ce titre et à celui de la solidarité.
Les jeunes médecins, uniquement ceux qui souhaitent s’installer en zone surdotée, devraient avoir l’obligation de travailler en zone sous-dense durant 2 ou 3 ans auparavant. Ils y resteraient peut-être à terme.
Les médecins étrangers sollicitant une autorisation de travail sur notre territoire devraient avoir la même obligation, passagère elle aussi.
Le fer de lance de la télémédecine.
Ensuite, je propose que la télémédecine devienne notre vrai fer de lance, plutôt que d’attendre un lointain aboutissement des multiples expérimentations en cours. Donnons-nous en les moyens, faisons de la France le pays modèle et pilote sur cette orientation d’avenir.
J’ai visité à l’HEGP la cellule ayant le plus grand nombre de consultations effectuées par cette technique, en lien avec des EHPAD. Des unités de télémédecine peuvent être installées pour moins de 15 000 euros et implantées dans toutes les zones sous-médicalisées, dans les maisons pluridisciplinaires déjà prévues ou dans des EHPAD. Elles seraient utilisées par des assistant(e)s de télémédecine, nouveau métier à créer, nouveaux emplois, qui feraient le lien humain et technique entre le médecin intervenant à distance et le patient.
Un tel dispositif, complémentaire de celui concernant les jeunes médecins ou étrangers, présenterait plusieurs avantages : outre la création d’emplois, on pourrait ainsi demander aux médecins installés en zones surdotées de consacrer, sans déménager, un pourcentage de leur temps de travail, à effectuer des consultations en direction des populations en zones sous-denses, dans des unités installées de façon regroupée dans leur secteur. La majorité de ces actes permettrait de dégorger les urgences des zones sous-dotées qui croulent sous la « bobologie », et d’en éviter leur aggravation clinique.
Les spécialistes intervenant par télémédecine, grâce à l’aide apportée par un assistant sur place, ne consacrent qu’un temps réduit et utile, à examiner et traiter les patients. Ces derniers, s’ils devaient prendre un rendez-vous classique auprès d’eux, compte tenu de la demande et du temps habituel d’une consultation, n’auraient un rendez-vous que plusieurs mois après. Les délais d’accès aux spécialistes sont aussi un réel problème dans notre pays.
En très peu de temps et de façon bien plus économique, nous pourrions mailler le territoire, soulager les urgences, répondre aux besoins de la population, sans toucher à la liberté d’installation, tout en faisant un bond en avant en terme de télémédecine.
Ce ne serait qu’un pan, d’ailleurs, de la télémédecine, laquelle peut répondre à de nombreuses autres missions que, par ce biais, elle permettrait de développer. Cette télémédecine n’altérerait pas le lien médecin-malade, ni la relation humaine nécessaire, l’expérience le prouve.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Président de la République…
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