COMME ON POUVAIT s’y attendre, la dernière séance de négociation conventionnelle n’a pas permis aux partenaires de finaliser un quelconque accord, même partiel.
En réalité, seuls les deux sujets les plus « politiques » et les plus explosifs ont été abordés lors de cette réunion : la démographie (plus précisément les mesures opérationnelles pour combattre la désertification médicale) et le futur secteur optionnel (qui doit permettre de juguler des dépassements). Ce resserrement provisoire du périmètre de négociation confirme que, pour la CNAM, le déblocage de ces deux dossiers est désormais la priorité. La « commande » élyséenne est connue : Nicolas Sarkozy réclame des résultats avant la fin de l’année 2008, faute de quoi c’est le gouvernement qui tranchera. La prochaine loi « Bachelot » (Hôpital, patients, santé et territoires) se prête à cette reprise en main politique.
Pour parvenir à un accord rapide, le directeur de la caisse semble aujourd’hui privilégier un axe stratégique avec la CSMF, au risque de froisser les autres syndicats. « Le couple Chassang/Rocky continue de sévir, c’est insupportable », fulminait déjà un membre de la délégation de la FMF lors d’une interruption de séance. Visiblement pressée d’aboutir à une solution négociée, la CSMF a d’ailleurs réclamé une séance conventionnelle « dès la semaine prochaine ». Mais d’autres syndicats évoquaient plutôt une reprise des négociations « en janvier ».
Van Rkeghem : la négociation à un tournant.
Sur la démographie, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, dit en tout cas avoir « formulé des propositions très concrètes » permettant de sortir de l’impasse. Il s’agit d’une nouvelle version du contrat individuel santé/solidarité incitant des médecins (installés, remplaçants, retraités, internes…) à prêter main-forte à leurs confrères des zones sous-dotées en libérant du temps médical (consultations avancées, cabinets secondaires une demi-journée par semaine, permanence des soins…). Selon la proposition de la CSMF, les partenaires se laisseraient « trois ans » pour vérifier l’efficacité de cet outil pour combattre les déserts médicaux. « Il n’est pas question de mettre une taxe contre les médecins récalcitrants ou de baisser la prise en charge des cotisations. Mais si ça ne marche pas, les nouvelles installations ou les réinstallations dans les zones surdotées seraient conditionnées à la signature de ce contrat ». La CNAM a justement présenté les résultats d’une étude qui montre que les généralistes nouvellement installés le font très tard (37 ans) et… dans les zones déjà surdotées (voir tableau) ! Pour MG-France, le contrat de solidarité intergénérationnelle doit comprendre des mesures pour conforter la permanence des soins, la régulation généraliste des appels, les maisons médicales de garde, la mise en place de consultations avancées, le soutien à des initiatives de santé publique…
La balle est dans le camp de la CNAM. Frédéric van Rkeghem, patron de la Sécu, reconnaît que « des propositions des syndicats ont été faites pour garantir le caractère opérationnel des mesures sur la démographie. C’est un élément important susceptible de faire évoluer la négociation. Nous avons demandé quelle était l’expression des internes sur ce point. Ils ont été prudents mais nous avons compris qu’il y avait il y a un espace de négociation intéressant. La négociation est à un tournant ». Les internes (ISNIH, ISNAR-IMG) et les étudiants en médecine (ANEMF) se réjouissent au moins que la discussion ait enfin porté sur les contrats de santé
solidarité. Mais ils attendent que cet outil favorise le regroupement des professionnels dans des maisons de santé pluridisciplinaires et qu'il soit l'objet d'une politique d’information
aux futurs médecins. Internes et étudiants transmettront « très rapidement à l’UNCAM leurs propositions ». Le directeur de l’assurance-maladie va désormais discuter avec le gouvernement car ce sujet s’articule avec les réformes en cours. Il veut également s’assurer que les garanties proposées sur la démographie ne sont pas un écran de fumée.
Secteur optionnel : des actes « traçants » par spécialité.
Rejoints par les organismes complémentaires (UNOCAM), les partenaires ont rapidement évoqué l’autre dossier prioritaire : le secteur optionnel. « Nous voulons résoudre ce problème, pas qu’on le fasse à notre place, assure le Dr Michel Chassang. Certains pourraient porter atteinte au secteur II en légiférant de façon directe ou indirecte ».
Les paramètres du projet de secteur optionnel n’ont pas bougé. Les praticiens des plateaux techniques lourds (chirurgiens, gynécologues-obstétriciens et anesthésistes) qui choisiraient cette option devraient réaliser 30 % de leurs actes en tarifs opposables. Pour le reste de leur activité, ils pourraient facturer des dépassements plafonnés à 50 % des tarifs opposables.
L’assurance-maladie s’engage à prendre en charge les cotisations sociales des médecins pour la part des actes réalisés en tarifs opposables. La CSMF a précisé les critères de transparence et de qualité que devraient respecter les médecinsà partir de référentiels validés par la HAS.
« Il s’agirait de définir pour chaque spécialité un ou deux actes traçants pour lequel le praticien devrait fournir un certain nombre d’informations : mode de réalisation, indications opératoires, déroulement de l’acte, durée de séjour, pourcentage de complications inhérentes à l’acte… » Plusieurs autres critères pourraient être demandés aux praticiens : informatisation et standardisation des comptes rendus, communication par courrier du médecin aux autres professionnels de santé… Pour le Dr Jean-Gabriel Brun (syndicat Alliance), « on est assez prêt d’un accord sur le secteur optionnel ». Tous les syndicats ne sont pas aussi enthousiastes.
« On veut nous imposer un secteur optionnel qui ne répond pas aux attentes des professionnels concernés, déplore le Dr Jean Marty (Union collégiale). L’objectif de certains est de parvenir à un accord sur le secteur optionnel pour que le gouvernement ne touche surtout pas au secteur II ».
La réunion de mercredi a-t-elle été un coup d’épée dans l’eau ? Pas forcément.
Selon le SML, qui plaide pour un « accord global indivisible », la partie « n’est que remise ». Mais la prochaine séance (qui devra aussi traiter du calendrier du C à 23 euros et de la revalorisation des autres spécialités cliniques) ne dépend pas du seul agenda du directeur de l’assurance-maladie. Le gouvernement est désormais à la baguette. Et les calculatrices vont chauffer.
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