C’EST UNE MESURE qu’on n’attendait pas forcément dans le PLFSS. Marisol Touraine, ministre de la Santé, a annoncé la création dès 2013 de 200 premiers postes de praticiens locaux de médecine générale dans les zones fragiles. Ceux-ci signeraient un contrat avec l’assurance-maladie qui les engagerait à aller exercer, au moins pendant deux ans, là où des médecins installés seraient sur le départ. Objectif : assurer le passage du relais. En échange de cet engagement, l’assurance-maladie leur garantirait pendant ces deux années un revenu minimum, en plus de leurs honoraires issus du paiement à l’acte.
Aucune coercition.
Au ministère de la Santé, on précise que si un engagement minimum de deux ans est demandé aux médecins, « aucune sanction n’est prévue si les médecins ne restent pas deux ans ». Le pari est que ces médecins auront le temps en deux ans d’étoffer leur patientèle, et d’obtenir ainsi des revenus suffisants. Le ministère précise également au « Quotidien » que cette mesure pourrait être étendue à d’autres spécialités ultérieurement, si elle rencontrait le succès. Il espère pouvoir démarrer l’opération au début de 2013.
Mais le diable se loge dans les détails et c’est seulement dans le cadre de la discussion parlementaire du PLFSS que le niveau plancher de revenu garanti sera examiné. Le ministère ne donne à ce stade aucune précision sur le profil de ces jeunes médecins ni sur le point de savoir qui décidera des zones éligibles. Le législateur ? L’assurance-maladie ? Les Agences régionales de santé ? On en est réduit aux conjectures.
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À l’ISNAR-IMG, le président Emmanuel Bagourd se déclare plutôt favorable au dispositif. « Le nouvel installé aura presque certainement des revenus suffisants avant la fin des deux années contractuelles, juge-t-il, mais ce contrat aura le mérite de casser l’appréhension à l’installation ». Quant à sa réussite, Emmanuel Bagourd le lie aux choix qui seront faits. « Si des installations de ce type peuvent se faire dans des MSP, cela devrait avoir du succès, s’il s’agit de prendre la succession de médecins isolés, ça ne marchera pas ». Le président de l’ISNAR juge également que tout dépendra de la publicité faite autour de ce dispositif. Il prend l’exemple du contrat d’engagement de service public (CESP) pour les médecins en formation. Ses signataires bénéficient d’une allocation brute mensuelle de 1 200 euros jusqu’à la fin de leurs études, et s’engagent en échange à exercer dans des zones sous-dotées, pour une durée équivalente. « Il a eu un succès mitigé, mais il a convenablement marché dans les régions où la communication a été bonne ».
Anecdotique pour MG France.
Du côté de l’ANEMF (carabins), la première impression est bonne. Benjamin Birène, vice-président en charge de la démographie médicale, juge qu’« il faudra voir le détail du projet, mais toutes les mesures incitatives sont les bienvenues ». Au SNJMG en revanche, on se montre plus réservé. Le Dr Alexandre Husson ne trouve pas la mesure très structurante : « S’il y a encore quelques médecins dans la zone, mieux vaut offrir un forfait installation à tous les médecins candidats, et non à 200. S’il s’agit de zones vraiment démédicalisées, il vaut alors mieux proposer le salariat ».
Les syndicats de praticiens installés aussi ont un avis partagé. Michel Chassang, président de la CSMF, juge que cette mesure va dans le bon sens. « Mais, ajoute-t-il, nous souhaiterions que ce dispositif puisse s’appliquer également à d’autres spécialités de proximité ». En revanche le Dr Gilles Urbejtel (MG France) juge la méthode « anecdotique et déconnectée de la réalité. Dans ces zones, on ne rencontre aucun problème d’argent, mais un problème d’attractivité. Il faudrait avant tout faire en sorte que les médecins qui travaillent dans ces zones ne s’en aillent pas ».
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