Suppression pure et simple de la liberté d'installation, conventionnement sélectif dans les zones surdenses, première expérience obligatoire en zone fragile pour les jeunes... Les élus locaux font régulièrement entendre leur voix pour réclamer des mesures autoritaires l'État. Mais sur le terrain, les maires n'ont guère le choix et se frottent à la réalité de la démographie médicale, même si cette question ne relève pas directement de leurs prérogatives. Pour trouver des médecins, toutes les méthodes ne sont pas pertinentes, mais beaucoup sont expérimentées.
Agences de recrutement, quitte ou double
En 2008, le maire de Séboncourt, dans l'Aisne, trouve un praticien roumain grâce à une annonce passée dans « Le Quotidien », mais le praticien ne reste pas. Selon lui, la patientèle n'était pas suffisante (1 150 habitants). En revanche, à Figanières dans le Var, une simple annonce a suffi à trouver la perle rare. Un médecin roumain y exerce depuis 2013 à la satisfaction des 2 600 habitants.
Quand les annonces ne donnent rien, certains édiles prennent contact avec les agences de recrutement. En 2010, la commune de Rosières (Haute-Loire) a déboursé la somme de 14 000 euros pour pouvoir accueillir un autre médecin, roumain lui aussi. Six ans après, il y exerce toujours et le maire ne regrette pas cet investissement.
Parfois, l'évaluation initiale des besoins locaux laisse à désirer. Dans le Puy-de-Dôme, la commune des Ancizes (1 800 habitants) cherchait un généraliste supplémentaire. Elle s'adresse à une agence qui lui déniche encore un praticien roumain, contre 40 000 euros. Ce dernier ne restera que quelques mois. Au « Quotidien », il confiera qu'entre Les Ancizes et la commune mitoyenne (3 500 habitants en tout) il y avait six généralistes, ce qu'il ne savait pas en arrivant.
Parfois aussi, les agences ne font pas leur travail. Erquy (Côtes d'Armor) a déboursé 24 000 euros en 2013 pour faire venir un médecin roumain, presque aussitôt recalé par l'Ordre départemental pour défaut de maîtrise de la langue française.
Construction de cabinets et loyers gratuits
Tout à leur souci, les maires mettent parfois la charrue avant les bœufs. Sans trop se soucier de l'offre de soins de leur bassin de vie, ils construisent ou rénovent des cabinets existants ou des maisons de santé, dans l'espoir d'attirer un praticien.
À Saint-Just d'Ardèche (1 700 habitants), les trois généralistes sont partis à la retraite entre l'été 2014 et la fin 2015. Le maire a choisi de créer deux cabinets ultramodernes en plein centre-ville, et propose un loyer gratuit aux praticiens tentés par l'aventure. Il attend toujours les volontaires...
À Pfetterhouse (Haut-Rhin, 1 000 habitants), la municipalité a fait l'acquisition en 2012 d'un bâtiment industriel pour le louer en parcelles à des professions libérales. Le maire était prêt à donner un coup de pouce financier aux professionnels de santé qui souhaiteraient s'y établir. Aux dernières nouvelles, un généraliste et deux infirmiers ont répondu à l'appel.
Parfois, c'est aux portes de Paris qu'on traque la perle rare. En 2013, Fontenay-aux-Roses (23 000 habitants), dans les Hauts-de-Seine, n'a pas attendu la pénurie de généralistes pour proposer trois ans de loyer gratuit aux nouveaux installés. En échange, ils devaient s'engager à ouvrir leur cabinet un samedi après-midi sur deux, et un soir par semaine jusqu'à 21 h 30. Pari gagné avec deux nouveaux généralistes.
À Orgerus dans les Yvelines (2 400 habitants), deux des quatre praticiens sont partis à la retraite en juin 2015. La mairie a fait rénover deux cabinets dans le centre-ville et propose trois mois de loyer gratuit aux candidats.
Certaines communes font preuve de créativité. À Sens (25 000 habitants), la maire Marie-Louise Fort a signé le 18 décembre avec SOS Médecins une convention de partenariat. Confrontée au départ à la retraite de nombreux généralistes, la ville va permettre à SOS de renouveler le traitement des personnes âgées atteintes de maladies chroniques et ne disposant pas de médecin traitant.
La tentation du salariat
C'est le Dr Éric May, président de l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS) qui a soufflé la formule au maire de la Ferté-Bernard (Sarthe, 10 000 habitants). En 2011, l'édile tente d'attirer, en vain, de nouveaux praticiens sur son territoire en leur proposant des facilités de logement et une voiture de fonction. Aucun n'accepte. La mairie décide alors de proposer des postes de praticiens salariés à 4 000 euros mensuels pour 35 heures hebdomadaires. Elle transforme un bâtiment municipal en centre de santé, passe une annonce, et reçoit une bonne dizaine de réponses de praticiens intéressés. Trois généralistes y exercent aujourd'hui.
L'exemple a fait des émules. À Bernay dans l'Eure, (11 000 habitants), le maire Hervé Maurey, grand pourfendeur de la liberté d'installation, a mis en place un centre de santé fin 2013. Une femme médecin généraliste a accepté l'offre de la ville. Mais elle est depuis partie s'installer ailleurs, et le poste est vacant.
À Domats dans l'Yonne (852 habitants), la mairie a proposé en octobre 2013 deux postes de généralistes salariés dans un centre de santé municipal. Détail piquant, les habitants ont mis la main à la poche à hauteur de 73 000 euros pour aider à la construction du bâtiment. Aujourd'hui, trois médecins généralistes y exercent. D'autres villes, comme Cognac (Charente), Saint-Cosme-en-Vairais ou Conneré (Sarthe), ont depuis suivi l'exemple.
Des clips contre les déserts et des initiatives farfelues
Certaines communes jouent la carte de l'humour. À Limerzel dans le Morbihan (1 350 habitants), le dernier généraliste est parti en juin 2014, juste au moment où s'achevait la construction de la maison médicale. La municipalité tourne alors un clip mettant en scène les habitants privés de médecin : la couturière fait les points de suture, un ouvrier élabore les plâtres, etc. Sans succès. La maison médicale reste vide. Dans le Finistère, la commune de Huelgoat (1 500 habitants) a suivi l'exemple en septembre 2015. À l’époque, un seul praticien exerçait dans la commune, mais l'initiative n'a pas permis d'en faire venir un autre.
Parfois, la recherche de praticien frôle le dérapage. En août 2015, à Fréhel dans les Côtes d'Armor (1 600 habitants l'hiver), le maire – en quête d'un généraliste – a passé une petite annonce sur « Le bon coin », contre l'avis des trois médecins présents. L'initiative n'a rien donné.
Le pompon? En 2011, une adjointe au maire de Dijon avait suggéré de remplacer les médecins par des vétérinaires dans les zones sous-dotées. Une provocation qui avait soulevé l'indignation.
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