C’EST UNE MAISON de santé comme il en existe une centaine dans l’Hexagone. Celle-ci est pourtant différente de toutes les autres. Ses promoteurs ne répondent pas au portrait-robot du jeune diplômé qui souhaite travailler en équipe auquel on assimile bien souvent les chefs de projet. La maison de santé pluridisciplinaire du Val-de-Touvre est portée par des médecins de famille quinquagénaires. Presque tous les généralistes des communes de Ruelle-sur-Touvre et de Mornac ont accepté de se lancer dans le projet et de se regrouper en un même lieu en périphérie de Ruelle-sur-Touvre, un bourg de 8 000 âmes du département de la Charente, à dix kilomètres d’Angoulême. Ils sont aujourd’hui 24 professionnels – sept médecins généralistes dont deux spécialistes du sport, une chef de clinique en médecine générale, deux diététiciennes, un pédicure, deux orthophonistes, deux kinésithérapeutes, deux sages-femmes, un psychologue et six infirmières – à occuper les bâtiments rénovés de ce qui fut jadis un centre des apprentis de la Marine.
Ce projet, le Dr José Gomes, l’a en tête depuis 2003. À 58 ans, le médecin généraliste l’a concrétisé en juillet dernier. « Au contact des jeunes, j’ai été témoin de la perte d’intérêt pour la médecine générale et pour l’exercice en solo, commente ce professeur de médecine générale à la faculté de Poitiers. Trois médecins généralistes sont partis ces deux dernières années dans notre secteur. Il fallait faire quelque chose. » Très inspiré par les regroupements des professionnels de santé au Québec où il s’est rendu à plusieurs reprises, le Dr Gomes a dû franchir un parcours du combattant pour remplir les formalités administratives, convaincre les élus et trouver des financements. L’ouverture de la maison de santé en juillet – elle sera officiellement inaugurée le 19 novembre (voir encadrée) – est en soi une petite victoire.
Le retour des stagiaires.
Les collectivités ont adhéré au projet. Le Conseil régional a participé à hauteur de 350 000 euros et le Conseil général a mis au pot 104 000 euros sur un budget global de 1 500 000 euros pour les locaux. La municipalité est propriétaire des murs, quatre bâtiments déjà existants et regroupés en un seul. La mairie a fait un emprunt et loue les locaux aux professionnels – environ 500 euros par mois pour 20 m2. La maison de santé dispose d’un local réservé à l’enseignement, un cabinet avec un miroir sans tain pour permettre un travail pédagogique de supervision et deux bureaux d’internes. Deux studios aux loyers modérés attenants à la maison de santé ont été réservés aux jeunes en formation.
« Nous avons eu une oreille attentive du conseil régional qui subventionne les aides aux étudiants et aux internes pour les stages en lieux éloignés, confie le Dr Gomes. Nous avions des maîtres de stage éloignés dans la campagne et qui n’avaient jamais d’étudiants. Avec ces aides, les stages sont toujours pris. » Le conseil régional propose une aide mensuelle d’environ 300 euros pour le logement et une indemnité kilométrique pour financer le déplacement des étudiants et internes. Résultat : la maison de Ruelle-sur- Touvre accueille 3 internes de médecine générale et un étudiant. « Nous faisons de l’enseignement, du soin, et de la recherche, nous avons tous les atouts de l’enseignement universitaire et nous espérons devenir une structure ambulatoire universitaire », explique le Dr Gomes. Ce label reste à inventer mais l’idée fait son chemin auprès des tutelles.
« On ne risque pas de manquer d’activité ».
La maison de santé participe également à la réflexion avec l’agence régionale de santé (ARS) sur les projets de rémunération alternative avec l’ensemble des professionnels de santé. « Nous aimerions nous inscrire dans des projets de santé ciblés sur des préoccupations de santé de territoires : le bien grandir, la prévention de l’obésité, la bonne alimentation des personnes âgées », indique Marie-Line Huc, diététicienne. Les sept généralistes disposent d’un secrétariat commun. Ils sont pour l’heure satisfaits de leur nouvelle organisation du travail. « La maison de santé représentait un besoin personnel d’exercice », déclare le Dr Philippe Rucheton. Le Dr Viviane Souchaud-Ménard partage ce point de vue. « Chacun garde sa clientèle, souligne la généraliste maître de stage. Et si des gens viennent quand on est en congé, la secrétaire nous appelle pour savoir si tel médecin peut le voir. On a tellement de patients qu’on ne risque pas de manquer d’activité. » La preuve, la salle d’attente est copieusement garnie en ce mardi après-midi.
Plus jeune des médecins de la maison de santé, le Dr Célia Bornert-Estrade, chef de clinique de médecine générale, n’est pas la moins enthousiaste. Après des études à Paris, elle voulait s’installer dans le secteur. « La maison de santé, c’est l’avenir de la médecine libérale de premier recours, le travail en équipe, en réseaux. C’est un idéal qui s’est concrétisé dans les murs. » La jeune femme donne des cours à la faculté de médecine de Poitiers, encadre des thèses d’internes de médecine générale et a des projets avec le centre d’investigation clinique de Poitiers. Et même si le statut de chef de clinique est moins avantageux en médecine générale que pour les autres spécialités et qu’il est difficile pour un jeune médecin de se faire une patientèle, elle garde le sourire.
La nouvelle structure séduit aussi les patients. « C’est agréable car il y a de la place pour se garer », nous dit l’un d’eux. « Il y a toujours un médecin qui peut en remplacer un autre, on n’a pas besoin d’attendre », confie un second. Un dernier tempère : « Pour les gens qui n’ont pas de voiture ou les personnes âgées, c’est un peu loin de la ville, il faudra penser à elles. »
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