Face à l'aggravation de l'accès aux soins dans les territoires, pas moins de 35 organisations de soignants, patients et élus* ont présenté ce mercredi quatre propositions aux candidats à l’élection présidentielle « face à l'urgence d'agir ».
Fruits d'un travail collectif depuis un an, ces mesures ont été adoptées à l'unanimité par les signataires. « L'objectif est d'avoir des propositions réalisables, concrètes et consensuelles pour améliorer l’accès aux soins », explique Dominique Dhumeaux, premier vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).
Hébergements territoriaux
Les deux premières recommandations concernent les futurs médecins et autres étudiants en santé. Pour faciliter la découverte de l'exercice en milieu rural des juniors, le collectif propose de leur donner les moyens de faire des stages « hors du lieu de formation initiale » en développant les maîtres de stages universitaires « dans toutes les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, les hébergements territoriaux des étudiants en santé (HTES) et les aides au transport afin de rendre obligatoire la diversification des lieux de stage ».
« Il est nécessaire d'ouvrir les terrains de stage en dehors des villes universitaires, avec la qualité de la formation et des moyens adaptés pour permettre aux jeunes d'aller dans les territoires dans de bonnes conditions », insiste Mathilde Renker, présidente de l'Isnar-IMG, au nom des internes de médecine générale. Les futurs médecins défendent en particulier le développement des hébergements territoriaux qui facilitent la culture interpro. Aujourd'hui, « quelques départements comme la Vendée ont déjà créé ces hébergements avec un loyer modéré », indique l'interne en médecine générale à Nancy. « Localement, nous avons un rôle de facilitateur, reconnaît Gilles Noël, maire de Varzy (Nièvre). L'idée est de faire venir, connaître et apprécier la vie en milieu rurale pour les étudiants en santé mais pas seulement. Cela peut intéresser aussi des étudiants ingénieurs ».
Guichet unique géré par le département ?
Pour prolonger cette logique et favoriser l'installation dans tous les territoires, les 35 signataires réclament la création d’un guichet unique d’accompagnement qui centraliserait, à l’échelle de chaque département, « les besoins territoriaux, les aides financières, l’accompagnement administratif et les informations relatives à la vie familiale du professionnel ». Faut-il y voir un doublon avec le guichet unique d'orientation et d'accompagnement déjà géré par les ARS ? Pas du tout, assure Gilles Noël, pour qui « on agit en complémentarité de l'administration. C'est le conseil départemental volontaire qui le fera. On n'est pas dans la coercition, c'est du volontariat ». Pour Mathilde Renker (Isnar-IMG), le département est le bon niveau pour assurer un accompagnement personnalisé.
Pour encourager la prise en charge cordonnée au plus près des besoins, le collectif propose de créer les équipes de soins coordonnées autour du patient (Escap). Ce modèle organisationnel pluripro, « plus simple et souple », est porté par l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS). Principe : le soignant (médecin, infirmière, etc.) identifie le besoin de coordination d'un patient et utilise une appli pour solliciter d'autres professionnels désignés par le patient pour constituer cette équipe. Le médecin traitant est toujours intégré à l'équipe soignante. Si le patient n'en a pas, le professionnel à l'origine de la demande de coordination se retourne vers « les CPTS ou d'autres formes d'organisation », précise le Dr William Joubert, président de l'UNPS. Initialement réservée, la Cnam aurait accepté l'ouverture de négociations fin mars en vue d'un avenant à l'accord-cadre interprofessionnel (Acip) consacré à la reconnaissance de ces équipes.
Compétences et accès direct
Enfin, le collectif propose de « faciliter les exercices mixtes, ville/hôpital, particulièrement en zone sous-dotée » et le développement du partage de compétences. « L'idée n'est pas de prendre les prérogatives des médecins mais de fluidifier le parcours patient », avance François Randazzo, du syndicat de kinés Alizé.
Également signataire, l'Ordre national des médecins appelle à un « dialogue franc, cordial et constructif » sur le sujet sensible du partage des compétences ou de l'accès direct. « Il faut savoir comment revisiter les justes aspirations des uns et des autres dans une vision coordonnée du parcours de soins, y compris avec des conséquences sur les flux de formation des professionnels, précise le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président de l'Ordre. À l'horizon 2040, la densité médicale va augmenter d'un tiers. Il faut éviter que par le lobbying, le corporatisme ce débat soit esquivé ».
* Parmi les 35 signataires : l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS), des syndicats de médecins libéraux (CSMF, SML, FMF), d'infirmiers (SNIIL, Convergence), de pharmaciens (Uspo et FSPF), de kinés (SNMKR, Alizé), l'Ordre national des médecins (Cnom) et des kinés (Cnomk), les représentants des étudiants en médecine (Anemf), des internes en médecine générale (Isnar-IMG) et des remplaçants (Reagjir) mais aussi des hospitaliers (Samu-Urgences de France, présidents de CME de CH), des élus (petites villes de France, maires ruraux) ou encore des citoyens (Association des citoyens contre les déserts médicaux).
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