LE 25 JANVIER dernier, le Dr Noël Bouaicha succombe à un accident vasculaire cérébral. La Mure, au sud de l’Isère, perd son radiologue. Passé le choc, Anne-Sophie Bouaicha tente de trouver un successeur à son père. Sans succès. La fermeture du cabinet et le licenciement des 4 salariés représenteraient un coût estimé à 100 000 euros. La jeune femme ne parvient pas à se résoudre à cette solution.
« Mon père avait 140 000 patients répertoriés dans ses dossiers médicaux, souligne Anne-Sophie Bouaicha. Depuis sa disparition, l’activité de radiologie de l’hôpital de La Mure est beaucoup plus importante. Si on ne trouve pas un remplaçant, La Mure mettra un pied dans la désertification médicale. » Le cabinet de radiologie le plus proche est à une vingtaine de kilomètres, à Vizille. Le suivant est à Grenoble, distant de 40 kilomètres. Assistée par le Dr Edmond Dumoulin Minguet, médecin généraliste à La Mure, la jeune femme, qui accompagne les entreprises à l’innovation dans un autre secteur d’activité que la santé, échafaude un projet alternatif pour maintenir une activité de radiologie dans la ville. « Nous avons imaginé l’idée d’un partenariat avec le groupe de cliniques du Mail, installé à Grenoble, qui regroupe une quarantaine de radiologues en Isère, indique le médecin. La Mure garderait un manipulateur radiologique et transmettrait les clichés réalisés au groupe du Mail qui réaliserait le diagnostic à distance. » Les discussions ont démarré il y a quelques semaines avec le groupe de cliniques et l’agence régionale de santé (ARS).
Plusieurs obstacles.
Le Dr Dumoulin Minguet, président du SML-Isère, est persuadé que ce projet a de l’avenir. « De nombreux cabinets de radiologie vont fermer dans les années à venir et vont se retrouver dans une situation identique », souligne-t-il. Ce projet, aussi novateur soit-il, se heurte toutefois à plusieurs obstacles d’ordre juridique, technique et financier. « La loi prévoit qu’il faut un radiologue présent dans le cabinet », explique le Dr Dumoulin Minguet. Le généraliste espère une modification de la législation afin de permettre que la présence d’un médecin suffise. Le Dr Dumoulin Minguet, dont le cabinet est distant de quelques dizaines de mètres seulement de celui de radiologie, est prêt à assurer cette présence médicale et à suivre une formation complémentaire (DU ou DIU) en radiologie.
L’aspect technique paraît surmontable. Il s’agit d’équiper le cabinet de radiologie afin de permettre l’envoi des images par Internet au centre d’interprétation du Mail, de la simple radio à l’IRM et au scanner. La concrétisation et la viabilité du projet dépendront également de l’intérêt financier de chacun des participants.
« Nous sommes en discussion avec l’ARS mais rien n’est décidé au niveau du groupe, confie au « Quotidien » Christian Le Roux, directeur général des cliniques du Mail. Il faut une réflexion de fond et de forme. » Le groupe de cliniques, spécialisé dans la radiologie, étudie attentivement le projet. « Conserver une offre libérale avec des moyens humains à La Mure est inenvisageable, poursuit Christian Le Roux. Le seul moyen de maintenir une offre radiologique sur le secteur est de concevoir la téléradiologie. » La situation de La Mure est révélatrice, selon le directeur du groupe d’un problème national de démographie en imagerie. « À cause de la pyramide des âges, ce sont 20 % des radiologues qui vont disparaître du marché dans les 5 prochaines années », explique Christian Le Roux. Le rapprochement de cabinets privés comme celui de La Mure semble être un développement possible pour le groupe de clinique. Le directeur du groupe précise toutefois que la pratique du cabinet devra être conforme à celle du groupe pour que le projet puisse voir le jour. « Il en va de la responsabilité médicale du médecin qui réalise les interprétations », précise-t-il.
Si elles venaient à s’entendre, les différentes parties devraient également convenir du statut juridique que prendrait ce projet. La conclusion d’une telle entreprise pourrait demander du temps. Or les héritiers du Dr Bouaicha continuent de payer les salaires des employés du cabinet depuis janvier. « Il faut tout mettre en œuvre pour que ce projet puisse voir le jour rapidement », conclut le Dr Dumoulin Minguet.
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