Désertification médicale, renoncement aux soins et état délabré de l’hôpital : la situation s’est transformée « en bombe à retardement » qu’il faut « rapidement désamorcer », jugent des députés communistes. À l'initiative de Sébastien Jumel, élu de Seine-Maritime, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) a déposé le 2 novembre une proposition de loi à l’Assemblée nationale pour « une santé accessible à tous et contre la désertification médicale ».
Mobilisation générale pour la PDS
Le texte n'y va pas par quatre chemins. Pour soutenir l’hôpital, les parlementaires communistes proposent que les médecins libéraux puissent être réquisitionnés à l’hôpital en cas « d’afflux massif de patients ». L’article 7 de la proposition de loi prévoit ainsi que les directeurs d’agences régionales de santé (ARS) puissent « réquisitionner en cas de trouble dans l’accès aux soins non programmé l’ensemble des médecins libéraux, des médecins non‑conventionnés, des médecins exerçant au sein de centres de santé et les praticiens des armées pour garantir la permanence des soins à l’hôpital ». En clair, l’ensemble des praticiens doivent pouvoir être mobilisés au sein de l’hôpital en cas de dysfonctionnements ou de difficultés à assurer la PDS.
Et, si les réquisitions de séniors sont insuffisantes, les députés souhaitent pouvoir « en dernier recours » mobiliser les internes, au cours de leurs six derniers mois de stage. Un dispositif calqué sur les dispositions prises pendant la pandémie, précisent-ils. De quoi faire grincer des dents les libéraux et des juniors.
Conventionnement sélectif et CESP obligatoire
« La déstructuration de l’offre de premier recours a participé à faire exploser le risque de saturation des services d’urgences dans les zones sous‑denses », recadrent les élus. Ils jugent donc « incontournable » la régulation à l’installation en médecine de ville. Comme tant d’autres, cette proposition de loi souhaite introduire un conventionnement sélectif à l'installation dans les zones à forte densité médicale (sur le principe d'un départ pour une installation dans le même secteur).
Du côté des jeunes, au-delà d’instaurer un stage obligatoire en zone sous-dense à la fin de l’internat, le texte veut rendre le contrat d’engagement de service public (CESP) obligatoire afin que les jeunes diplômés aillent s’installer dans les territoires fragiles. Aujourd’hui signé sur la base du volontariat, « il ouvre droit à une allocation mensuelle de 1 200 euros en échange d’un engagement de la part des bénéficiaires – pendant un nombre d’années égal à celui durant lequel ils auront perçu l’allocation et pour 2 ans minimum – à choisir une spécialité moins représentée ou à s’installer dans une zone où la continuité des soins est menacée », rappelle le texte.
Liste exigée de médecins référents
Plus globalement, les députés communistes entendent sanctuariser l’accès au soin pour tous et « réhumaniser la réponse en santé ». Pour y parvenir, le texte déposé à l’Assemblée propose d'introduire « un droit opposable à la santé ». Par exemple, l’article 5 veut obliger les caisses primaires à « fournir au patient une liste de médecins référents capables d’assurer le suivi de la patientèle sans médecin traitant ».
En 2018, les parlementaires communistes avaient lancé un « Tour de France des hôpitaux et des Ehpad » et visité 150 établissements tricolores. Des rencontres avec des médecins, paramédicaux ou syndicalistes, qui avaient abouti à une liste de propositions pour l’accès aux soins en 2021. Une première PPL en ce sens avait été déposée à l’automne 2021 reprenant déjà quelques-uns des articles de ce nouveau texte. Elle avait été rejetée en commission puis dans l’hémicycle.
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