L’ESSOR DE LA TÉLÉMÉDECINE revient à l’ordre du jour avec la publication, coup sur coup, de deux documents sur le sujet cette semaine.
Le ministère de la Santé a d’abord mis en ligne un rapport sur « La place de la télémédecine dans l’organisation des soins », commandé fin 2007 au Dr Pierre Simon et à Dominique Acker, deux conseillers généraux des établissements de santé. Pour la première fois, ce rapport dresse un état des lieux exhaustif de cette forme de pratique médicale à distance (en France, en Europe et même dans d’autres régions du monde), et en tire des enseignements pour la déployer dans de bonnes conditions. Il relève en particulier que la télémédecine est souvent source de « valeur ajoutée en matière de qualité et de sécurité de l’organisation des soins » mais déplore cependant « la quasi-absence ou le peu de fiabilité des évaluations médicoéconomiques » en la matière. Le rapport ministériel présente en tout cas 10 préconisations pour déployer la télémédecine assimilée à « une nécessité de santé publique ». Rendue possible par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), elle devient en effet un recours, dans un contexte de vieillissement démographique, pour maintenir à domicile des personnes âgées, permettre un suivi à distance des 15 à 17 millions de malades chroniques et pallier notamment le manque de médecins en prison et dans certaines zones géographiques, surtout dans les îles, les zones montagneuses ou rurales. Le rapport Simon-Acker ajoute que la télémédecine peut en outre « être un bras de levier puissant » pour conduire la restructuration de l’organisation des soins inhérente au projet de loi HPST (par exemple, maintien de structures d’urgence ou d’imagerie dans des établissements de proximité, reliés grâce aux TIC aux établissements de référence).
Quel cadre juridique ?
Aujourd’hui, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) s’apprête à publier à son tour sur internet ses 12 propositions en faveur d’un encadrement de la télémédecine en France. Elles esquissent un cadre pour « la déontologie, les relations entre praticiens et ce qui est dû à la population », précise le Dr André Deseur au CNOM.
Il reste en effet à définir quel cadre juridique pourrait accompagner le développement de la télémédecine, restée au stade expérimental pendant une dizaine d’années. En 2004, l’article 32 de la loi Douste-Blazy sur la réforme de l’Assurance-maladie se contentait d’autoriser son usage pour effectuer des actes médicaux à distance. Les premières moutures de l’avant-projet de loi Hôpital, santé, patients et territoires (HPST) prévoyaient un cadre. Puis le ministère s’est résolu à passer la télémédecine à la trappe, comme bien d’autres d’articles de la réforme Bachelot, afin de réduire le projet de loi à 33 articles. Au grand dam du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui a repris à son compte les dispositions relatives à la télémédecine dans ses 23 propositions d’amendements au projet de loi HPST (« le Quotidien » du 28 novembre). Ce collectif d’une trentaine d’associations de patients et d’usagers y voit à l’avenir « un outil majeur de la coordination et de la coopération entre les acteurs de santé » et, en tout cas, « une piste de réflexion pour compenser les effets délétères de la désertification médicale dans certaines régions ».
La ministre Roselyne Bachelot s’est toutefois engagée le 5 novembre, lors d’un conseil des ministres, à « lever en 2009 les derniers freins juridiques au développement de la e-santé en termes de responsabilité et de financement » (la e-santé incluant à la fois les outils de la télé santé, comme le futur Dossier médical personnel, et la télémédecine). La veille, la Commission européenne avait publié une communication au Parlement de Strasbourg sur « la télémédecine au service des patients, des systèmes de soins et de la société » pour préciser trois niveaux d’action, à l’initiative des États membres de l’UE, avec ou sans aide européenne, et enfin les actions à l’échelon communautaire.
Selon nos informations, le ministère compte bel et bien réinjecter la télémédecine au projet de loi HPST (examiné à l’Assemblée à compter du 10 février), sous la forme d’un amendement, et envisage de sortir les décrets nécessaires au printemps. Le gouvernement devrait fixer le champ de la télémédecine à partir de la classification donnée par le rapport Simon-Acker, à savoir la téléconsultation, la télé expertise (avis spécialisé à distance), la télésurveillance de malades et la téléassistance. Le décret devrait définir plus précisément les actes de télémédecine, les modalités d’utilisation des TIC (garantissant la qualité des soins, la sécurité, la confidentialité des données échangées en présence d’un professionnel de santé), ainsi que les conditions de prise en charge financière.
Selon le Dr Deseur, le document du CNOM « affirme clairement que les actes de télémédecine doivent ouvrir droit à une tarification, avec un protocole qui doit organiser les interventions de télémédecine ». En fonction des actes de télémédecine éligibles ou pas à une cotation, la facture ne sera évidemment pas la même pour l’Assurance-maladie. Or, du côté du ministère, la télémédecine doit faciliter l’accès aux soins sans obérer les comptes de la Sécu, déjà mal en point. Le débat sur la télémédecine ne fait donc que commencer…
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