Le climat vire désormais à l’orage entre l’assurance-maladie et les syndicats de médecins libéraux.
Comme on pouvait s’y attendre, la commission paritaire nationale (CPN) réunie jeudi à la CNAM pour élaborer le suivi des pratiques tarifaires excessives (dans le cadre de l’avenant 8) n’a nullement apaisé les esprits entre l’assurance-maladie et les signataires de la convention.
Au contraire, cette CPN (comme la précédente, le 20 décembre) a révélé un désaccord profond, qui se transforme en conflit, entre certains syndicats et la CNAM sur l’interprétation de l’avenant 8. La querelle porte sur la question clé des tarifs abusifs et des sanctions conventionnelles (quels principes de sélection ? combien de praticiens concernés ?).
Faire de la pédagogie ou... faire du chiffre
La principale organisation, la CSMF, condamne ce jeudi « l’instrumentalisation de l’avenant n°8 par les caisses, qui en dévoyant l’esprit de l’accord, tentent de mettre au point une nouvelle méthode de harcèlement des médecins en secteur 2 non-signataires du contrat d’accès aux soins ».
À mots couverts, la Confédération juge que l’accord est dénaturé en raison de la volonté de la CNAM, aiguillée par le gouvernement, de « frapper fort » dès la mise en œuvre des sanctions. « La CSMF rappelle que l’accord signé le 25 octobre 2012 comprend un dispositif pédagogique destiné à informer les médecins dont les pratiques tarifaires seraient jugées excessives, et non une machine à sanctions. C’était d’ailleurs un des points durs de la négociation ».
Le Dr Jean-François Rey, chef de file des spécialistes de la CSMF, résume autrement. « Il ne s’agit pas de défendre l’indéfendable, mais aujourd’hui le gouvernement met la pression sur le directeur (de la CNAM) pour faire du chiffre et obtenir un affichage ».
Piège
Pas en reste, le Syndicat des médecins libéraux (SML, autre signataire de l’avenant 8) a pris les devants en décidant de boycotter cette CPN. Une façon de manifester sa « colère et sa désapprobation » contre l’« alourdissement des sanctions ». « Un réel danger menace actuellement les spécialités libérales, stigmatisées pour leurs "’dépassements" (...) », constate le SML. De source syndicale, la CNAM aurait 1 500 médecins « gros dépasseurs » dans le viseur et non pas 300 ou 400 praticiens comme certains l’avaient compris.
Quant à la Fédération des médecins de France (FMF, non signataire de l’avenant 8), son président Jean-Paul Hamon, en vacances pour quelques jours, se veut accusateur. « La chasse au médecin libéral a été ouverte (...). Certains syndicats jouent au Tartarin de Tarascon mais leur signature restera indélébile ».
MG France enfin (signataire de l’avenant 8) estime que les « syndicats du secteur II » sont « pris à leur propre piège ».
« Dans cette affaire, la CNAM ne fait rien d’autre que ce qui a été négocié, affirme au « Quotidien » le président Claude Leicher. Mettons tous les chiffres sur la table ! Est-ce vraiment une catastrophe sanitaire si 1500 médecins sont susceptibles d’être rappelés à l’ordre sur leurs dépassements ?».
Pas de rupture
Ni la CSMF ni le SML n’envisagent la rupture avec la CNAM. Ils misent sur leur capacité à faire obstacle à une éventuelle dérive répressive des caisses. La CSMF s’engage à « défendre les médecins inquiétés dans le cadre des commissions paritaires régionales (CPR) » et affirme qu’elle « bloquera le fonctionnement de tout dispositif destiné à sanctionner systématiquement les médecins ». Le SML prévient qu’il « sera présent pour les négociations concernant les futurs avenants ».
Les signataires de l’avenant 8 ne veulent pas non plus jeter le bébé avec l’eau du bain. La CSMF rappelle qu’elle a signé ce texte pour deux raisons majeures : la revalorisation du secteur 1 pour 470 millions d’euros et le nouveau contrat d’accès aux soins qui est en réalité « un secteur optionnel très amélioré car étendu à toutes les spécialités avec un niveau de compléments d’honoraires plus élevé ». Pour MG France, « il n’est pas question que les médecins de secteur I soient lésés par cette histoire ».
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