Quelques jours à peine après la publication du règlement arbitral actant l'augmentation de la consultation de +1,50 euro, des généralistes libéraux ont annoncé sur les réseaux sociaux leur intention de passer en force au C à « 30 euros » en facturant d'autorité aux patients un supplément non remboursé par la Sécu de 5 euros.
Selon le Dr Jean-Paul Hamon, président d'honneur de la Fédération des médecins de France (FMF), « la contestation tarifaire est partie d'une généraliste du Sud-Ouest, adhérente de la FMF ». Mercredi, lui-même ainsi que deux généralistes de son cabinet médical, ont pris cette même décision de facturer cinq euros supplémentaires pour par consultation. « Je n'ai rien à perdre, tonne le généraliste de Clamart. Je n'ai pas peur des sanctions. Quand je vois les signaux envoyés par les politiques, il y a une maltraitance des médecins libéraux qui continue ». En Moselle, des médecins généralistes de Morhange ont eux aussi décidé début mai de porter le tarif de leurs consultations à 30 euros.
Actif sur Twitter, le Dr Richard Talbot, autre membre de la FMF, a lancé une enquête en ligne (non représentative) avec la question : « Êtes-vous prêts à passer sauvagement à la consultation à 30 euros ? ». Les résultats publiés le 24 avril sur son compte en disent long… On y apprend que « 49 % des 1 736 répondants se sont dits prêts à passer à 30 euros » et « un quart de plus si les autres le font ». « C'est un sondage d'opinion à prendre avec précaution. Mais cela traduit bien l'exaspération des médecins », relève le syndicaliste qui estime qu'un tel mouvement national serait justifié. Les médecins défendent leur pouvoir d'achat et l'attractivité du métier. Or pour le moment c'est un repoussoir », dit-il. Tout comme en 2002 ou en 2011, cette contestation tarifaire, sous forme de guérilla, serait surtout « un moyen de pression pour faire bouger la caisse », ajoute-t-il.
Juridiquement risqué
Du côté des syndicats, on se souvient de frondes tarifaires en 2002, 2011 ou encore en 2016. MG France, justement, qui avait lancé en 2016 une campagne d’application du C à 25 euros dit ne pas « conseiller » le mouvement des 30 euros, un tel mot d'ordre pouvant exposer une organisation syndicale représentative à des poursuites et les médecins impliqués à des contentieux.
Par le passé, des usages abusifs ou systématiques du DE (ou dépassement d'honoraires exceptionnel pour exigence particulière du malade) ont conduit les médecins à subir des sanctions conventionnelles. « C'est juridiquement très risqué, à la fois pour les médecins qui le feraient, et surtout pour les syndicats qui le soutiendraient », prévient la Dr Agnès Giannotti, présidente du syndicat. Si la généraliste parisienne dit « comprendre la colère et la tentation des confrères », elle rappelle que « cela ne réglera pas le problème de reconnaissance de la profession ».
Temporiser, optimiser
Même son de cloche, à peu de chose près, au SML. « Avec ce type de mouvement, on risque malheureusement d'avoir des confrères attaqués en justice par l'Assurance-maladie. Si ce devait être le cas, nous les défendrions bien sûr, mais je pense qu'il y a d'autres moyens de temporiser efficacement jusqu'à la prochaine négociation conventionnelle. Par exemple en optimisant ce qui existe, plutôt que d'essayer de faire un coup de force », réagit la Dr Sophie Bauer, présidente du SML. Son syndicat entend développer ses formations à l'utilisation « experte » de la nomenclature, une manière efficace et souvent mal utilisée « de rémunérer un peu mieux les médecins de secteur I ».
Chez les Généralistes-CSMF, on aurait presque envie d'en découdre. « La colère est très grande en ce moment chez les généralistes depuis le règlement arbitral, analyse le Dr Luc Duquesnel, chef de file du syndicat. On va voir comment cette action évolue, mais il est probable qu'elle fasse tache d'huile. À chaque fois qu'il y a eu un mouvement d'ampleur, ça a débuté ainsi, dans un petit territoire. » S'il ne donne aucune consigne, le généraliste de Mayenne ne croit pas vraiment à des sanctions de la part de la caisse. « On a connu ça en 2002, le déconventionnement des généralistes frondeurs par l'Assurance-maladie avait provoqué une telle mobilisation qu'ils ont rapidement fait marche arrière, et en prime on a eu le C à 20 euros… »
Aide médicale d’État (AME) : dans un centre de PMI en première ligne, deux sénateurs prennent le pouls du terrain
Un partenariat Doctolib/Afflelou ? Les ophtalmos libéraux ne font pas « tchin-tchin »
Enquête sur les restes à charge « invisibles » : 1 500 euros par an et par personne, alerte France Assos Santé
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins