Thomas Fatôme n’a pas convaincu les médecins. Les syndicats de praticiens libéraux ont rejeté en masse son projet de convention médicale, jugeant les revalorisations tarifaires insuffisantes et surtout conditionnées à un dispositif d’engagement territorial (voir en fin d’article), trop contraignant à leurs yeux. Le directeur général de la Cnam se vante pourtant d’avoir mis sur la table un texte équilibré basé sur le donnant-donnant. « Le Quotidien » revient sur certaines de ces dispositions à travers cinq idées reçues véhiculées pendant les négociations. Certaines d’entre elles pourraient revenir telles quelles dans le futur règlement arbitral qui fera office de convention médicale.
Avec la consultation à 26,50 euros, chaque généraliste va gagner « 7 000 euros de plus » par an
C’est un chiffre que le ministre de la Santé et le directeur de la Cnam claironnent sur toutes les antennes depuis plusieurs semaines. En augmentant le tarif des actes cliniques de 1,5 euro (soit +6 % sur la lettre clé G), les médecins généralistes vont mécaniquement encaisser 7 000 euros de plus par an, « un beau 13e mois » avance même François Braun. Vrai ? Pas tout à fait… Pour parvenir à ce montant, les médecins de famille devront réaliser 4 666 actes par an concernés par ce bonus (consultations de base, avec majoration, complexes, visites, avis ponctuels), un chiffre au-delà des 3 800 consultations annuelles réalisées en moyenne par chaque généraliste. Mais surtout, ce montant de 7 000 euros (recettes) ne tombe pas dans l’escarcelle du médecin : si l’on tient compte des charges (taux de 45 % environ), le bénéfice tombe à 3 850 euros par an. Soit une augmentation de 5,2 % si l’on se base sur les revenus moyens des médecins généralistes en 2020 (73 820 euros selon la Carmf). Un gain à mettre en rapport avec le taux d’inflation : pour la seule année 2022, elle a atteint 5,2 % selon l’Insee. Autrement dit, ce coup de pouce de la caisse s’apparente à un simple rattrapage de l’inflation sur une année seulement…
40 patients médecin traitant supplémentaires par an, « c’est tout à fait raisonnable »
Ce critère fait partie des indicateurs sur lesquels les généralistes peuvent s’engager pour bénéficier du contrat d'engagement territorial – même si le mot « contrat » avait été supprimé in extremis – qui leur donne droit aux tarifs de consultation majorés (soit 30 euros pour les généralistes). Cet item n’est pas obligatoire, les praticiens pouvant en choisir d'autres (dans ce bloc sur l'augmentation offre médicale).
L’objectif de 40 patients adultes supplémentaires par an est cependant « tout à fait raisonnable », selon François Braun. Pour le satisfaire, il faudrait tout de même prendre en charge 200 patients médecin traitant supplémentaires sur la période conventionnelle de 5 ans (40 par an). Ce qui conduit grosso modo à augmenter sa patientèle adulte médecin traitant d’une personne par semaine. Pas si simple… Si l’objectif annuel n’est pas atteint, l’accès aux tarifs majorés n’est plus possible (à moins d’avoir déjà atteint le seuil de 1 200 adultes dans sa patientèle médecin traitant). Les généralistes surbookés pourraient avoir du mal à tenir un tel engagement. Mais, temporise la caisse, ils n'auront pas à le faire s’ils satisfont déjà l’un des critères d’éligibilité de ce volet : une file active d'au moins 1 800 patients (adultes et enfants) ou, donc, une patientèle médecin traitant de 1 200 adultes.
Il va falloir ouvrir le cabinet « 50 semaines par an » !
Oui et non. Ainsi présenté, cet objectif avait de quoi faire bondir les médecins. Cet item figure bien dans le projet de convention dans le volet « Participation aux besoins du territoire » des généralistes, nécessaire pour bénéficier des tarifs majorés. Mais, là encore, il n’est pas obligatoire puisque les médecins peuvent opter pour l’un des dix autres critères figurant dans ce volet (deux indicateurs à choisir parmi 11 : adhésion à une CPTS, accueil de stagiaires, exercice en MSP, participation à la PDS trois fois par trimestre, etc.). Mais de nombreux médecins se sont émus que l’Assurance-maladie envisage ce cas de figure qui illustre selon eux le « toujours plus » exigé. Difficile d’imaginer un praticien isolé tenir ce rythme sur la durée. Seuls les cabinets de groupe organisés, tournant éventuellement avec le renfort de remplaçants, seraient en mesure de répondre à cette exigence. Le projet conventionnel ne précise pas dans quelles conditions cet objectif (optionnel) de 50 semaines devrait être atteint.
On nous demande d’ouvrir le cabinet de 8h à 20h, voire jusqu’à 23 heures
Faux. C’est pourtant ce que laissait entendre une médecin témoignant sur BFM. Ces exigences horaires ne figurent pas dans le projet de l’Assurance-maladie. Reste que de nombreux praticiens sont, de fait, contraints à ces journées à rallonge pour assurer la prise en charge de leur patientèle, faute de confrères disponibles sur leur territoire.
Il faudra travailler « davantage de samedis matin »
Là encore, c’est effectivement l’une des options proposées aux généralistes pour remplir les critères du volet « participation aux besoins de soins du territoire » du dispositif d’engagement territorial ouvrant droit aux tarifs majorés. Dans le détail, cet indicateur impliquait l’ouverture du cabinet « 24 samedis par an » (soit près d’un samedi sur deux). La caisse aurait ainsi vérifié les soins facturés réalisés le samedi matin sur la période de référence. Mais dans ce système à la carte, les praticiens qui ne sont pas organisés pour ouvrir leur cabinet le samedi peuvent opter pour un autre item du dispositif…
L’engagement territorial en résumé
Les médecins généralistes libéraux sont éligibles à ce dispositif à condition d’avoir au moins 50 patients en ALD dans leur patientèle médecin traitant. Les autres spécialistes sont également éligibles. Pour entrer dans ce schéma et bénéficier de tarifs majorés, les médecins doivent s’engager dans trois domaines : augmentation de l’offre médicale, accès financier aux soins et participation aux besoins de soins du territoire. Le contrat est rempli lorsque le médecin valide au minimum quatre indicateurs (un sur chacune des deux premières thématiques et deux sur la troisième), items à choisir parmi une liste établie par la caisse. Un contrat « à la carte », a plaidé la caisse, censé s’adapter à l’exercice des médecins libéraux.
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