Un mois après l'examen d'un texte coercitif du groupe communiste, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a examiné ce mercredi la proposition de loi « d'urgence contre la désertification médicale », quasiment identique, portée cette fois par le député socialiste Guillaume Garot. Durant deux heures, l'opiniâtre élu de la Mayenne, soutenu par les députés socialistes et apparentés, du groupe UDI et de la France insoumise a de nouveau réclamé en vain une régulation de l’installation des médecins libéraux pour lutter contre les déserts médicaux.
Le député n'a pas ménagé ses efforts pour convaincre ses collègues du bien-fondé de ses deux propositions : la mise en place d'un conventionnement sélectif avec le principe d'un départ pour une arrivée dans les zones surdotées en offre médicale (article 1) et une obligation exceptionnelle et transitoire d'exercice pour les internes à exercer dans les zones sous-denses pendant trois ans, à savoir la dernière année d'internat et les deux premières années suivant l'obtention du diplôme (article 2).
Malgré « tous les dispositifs incitatifs qui coûtent une fortune à la nation », a tonné le député, les inégalités territoriales se creusent. « En 2019, il y avait 6 millions de Français qui vivaient dans un désert médical. Aujourd'hui, ils sont 8 millions », a martelé Guillaume Garot.
Les études médicales payées par la Nation ?
Face aux difficultés d'accès aux soins, les mesures incitatives restent certes « nécessaires », a convenu l'élu, comme le financement d’assistants médicaux, les contrats d’engagement de service public (CESP) avec des étudiants, le développement des maisons de santé ou le passage du numerus clausus à un numerus apertus. « Mais ces mesures ne répondent pas à l’urgence de la situation, a évacué le député socialiste. La Nation finance les études des médecins, garantit leurs revenus. Qu'est-ce qu'il y aurait de choquant de se mettre autour de la table pour trouver une meilleure répartition médicale ? Le moment est venu de refonder le contrat entre la Nation et les médecins ».
Des arguments balayés sans surprise par les deux fers de lance de la majorité présidentielle sur ces sujets. En première ligne, les Drs Stéphanie Rist (Loiret) et Thomas Mesnier (Charente) se sont relayés pour démonter toute tentative de régulation, jugée « inefficace » avec des « effets pervers » pour la population. « Le nombre de médecins étant aujourd'hui trop faible, les patients seraient obligés d'aller voir des médecins non conventionnés donc de supporter la contrainte financière du non-remboursement, a expliqué la rhumatologue. La question de l'accès à l'offre de soins ne doit pas s'analyser sous le seul prisme de l'accès à un médecin. Il nous faut permettre un accès à des soins pluridisciplinaires. »
Le Dr Thomas Mesnier, urgentiste et rapporteur général de la loi de financement de la Sécurité sociale 2022, a soutenu que cette « mesure autoritaire » ne fonctionne pas dans les pays qui l'ont appliqué. « Au contraire, il faut poursuivre dans la voie que nous menons depuis 2017, probablement plus vite et plus fort ! Il faut développer encore le partage de compétences, donner plus d'autonomie aux infirmiers. »
La liberté d'installation, modèle « qui déraille »
Le groupe LR n'a pas soutenu cette proposition de loi socialiste. « Ce texte qui a avant tout une approche géographique ne répond pas aux enjeux, a enfoncé Marine Brenier, députée LR des Alpes-Maritimes. Il propose de mettre fin à la liberté d'installation. Or la liberté d'installation doit rester le maître mot de la profession médicale. Les solutions doivent être trouvées ailleurs pour être efficaces. »
Yannick Favennec, député UDI de la Mayenne, ne partage pas du tout cette analyse. « L’heure n’est plus à la préservation d’un modèle qui déraille, la situation est trop grave, a-t-il alerté. La liberté d'installation ne peut plus être placée au-dessus de la santé de nos concitoyens. Nous n’avons pas d’autre choix que d’instaurer un système de régulation pour que nos médecins s’installent là où on a besoin d’eux ».
Après deux heures de débat, la proposition de loi a été rejetée. « Ce n'est pas une surprise mais je regrette la résistance », a soupiré Guillaume Garot, qui défendra son texte le 20 janvier en séance publique.
Malgré le soutien des députés de la gauche et de l’UDI, notre proposition de Loi d’urgence contre la désertification médicale a été rejetée en Commission.
— Guillaume GAROT (@guillaumegarot) January 12, 2022
Désolant refus de la majorité d’envisager toute solution nouvelle.
Rdv dans l’Hémicycle le 20 janvier en séance publique !✊ pic.twitter.com/fHZbsQU5Ph
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