« Paralysie des blocs », « mise en danger », « absurdité administrative ». Le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC (majoritaire chez les spécialistes de plateaux techniques), ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque le décret permettant aux infirmières de bloc opératoire diplômées d’État (IBODE) d’exercer des actes exclusifs.
Paru en 2015, ce texte prévoyait qu’à partir de janvier 2020, l’installation chirurgicale du patient, la mise en place et la fixation des drains sus-aponévrotiques, la fermeture sous-cutanée et cutanée, et l’aide à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration devenaient des actes exclusifs des IBODE. La fonction d’assistance pour les sutures d’organes et de vaisseaux, la réduction d’une fracture, la pose d’un dispositif médical implantable et l’injection d’un produit à visée thérapeutique ou diagnostique leur étaient également réservés dans le décret.
Problème, estime le syndicat, il y a environ 8 200 IBODE diplômées à ce jour, soit « 40 à 45 % » des infirmières y exerçant, pour 13 000 infirmières non spécialisées avec un diplôme général (IDE), formées au fil des années. Avec la parution de ce décret, ces dernières ne peuvent théoriquement plus pratiquer une partie des actes qu'elles réalisent au bloc. Les syndicats d'IBODE, de leur côté, continuent régulièrement de demander l'application pleine et entière du décret concernant leurs actes exclusifs.
« Grave pénurie »
Face aux alertes récurrentes des syndicats de chirurgiens, mais aussi de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), un nouveau décret a été publié le 29 janvier dernier par le ministère de la Santé. Il permet aux IDE en poste depuis au moins un an de continuer à réaliser les aides à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration au sein des blocs opératoires, sous réserve de suivre une formation complémentaire de 21 heures.
Un texte transitoire qui ne règle qu'une partie du problème, estime Le BLOC, car il ne concerne pas tous les actes pratiqués au bloc par les infirmières. Le syndicat a écrit plusieurs courriers au ministère et à Matignon pour expliquer « la grave pénurie » dans laquelle sont les blocs opératoires et a également déposé devant le Conseil d'État un recours en annulation du décret de 2015 et un référé suspension (qui permet d’empêcher l’exécution d’une décision considérée comme illégale).
Illégalité
Le référé suspension a été rejeté par la justice administrative, le ministère s'étant engagé à publier « un décret complémentaire ». « Mais aucune date ne nous a été donnée, nous attendons toujours », regrette le Dr Cuq. Le recours en annulation devrait, quant à lui, être étudié dans les semaines à venir.
« En attendant, nous sommes toujours dans l’illégalité pour une partie des actes que continuent de réaliser des infirmières très compétentes au quotidien, faute d’IBODE. C’est d’une incohérence à s’arracher les cheveux, déplore le Dr Cuq. On autorise les infirmières non spécialisées des urgences à suturer et on ne permet pas à celles qui travaillent dans les blocs depuis dix ans de faire certains actes ! »
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