UN CRU correct. S’il faut se garder de toute généralisation, les déclarations fiscales 2011 collectées par les AGA du réseau de l’UNAPL, qui brassent des effectifs significatifs (12 300 généralistes, 1 200 remplaçants, 1 200 psychiatres, 1 000 cardiologues, 900 ophtalmologues, 800 anesthésistes...), témoignent en tout cas d’un net rebond des revenus en médecine générale après trois années « noires ».
Le millésime est inégal chez les médecins spécialistes : une demi-douzaine de disciplines subissent des pertes sèches d’une année sur l’autre tandis qu’une quinzaine de spécialités tirent plus ou moins bien leur épingle du jeu (tableau), d’autant que l’inflation a dépassé 2 % en 2011. Les disparités entre « cliniciens » et « techniciens » demeurent très significatives, au détriment des premiers. « D’une manière générale, il y a un bon maintien de l’activité et du résultat imposable des professions médicales, analyse Pierre Giroux, président de l’ARAPL Picardie, spécialiste de l’exploitation de ces données fiscales. Sur trois ou quatre ans, il n’y a quasiment aucune régression, ce n’est qui pas si mal en pleine crise. Beaucoup de disciplines sont en situation de pénurie, la demande de soins reste forte. La hausse des revenus se fait souvent au prix d’un surcroît d’activité et d’une surcharge de travail. Pour beaucoup de médecins, le souci n’est pas de travailler davantage mais de freiner leur activité ! ».
• Généralistes : après le bouillon, l’éclaircie
Une évidence : pour la très grande majorité des spécialistes en médecine générale, 2011 tranche avec les trois années précédentes de recul des bénéfices. En hausse de 7,7 %, le revenu du généraliste, évalué à 85 000 euros (1), a évidemment été dopé par la hausse du C à 23 euros (au 1er janvier 2011) dans un contexte d’activité stable ou en très légère hausse.
Surtout, ce coup de pouce d’un euro sur la consultation (+4,5 %), représentant 250 millions d’euros pour la Sécu, a pesé sur une année complète contrairement aux revalorisations précédentes qui intervenaient en milieu d’exercice. Concrètement, chaque médecin de famille a inscrit en moyenne 6 100 euros de plus sur sa déclaration d’impôt. Une éclaircie bienvenue (également profitable aux remplaçants) alors que le C était resté bloqué à 22 euros depuis juillet 2007...
Sans commune mesure avec la hausse du C, cette cuvée intègre les quelques bonus sur objectifs versés aux généralistes concernés (deuxième année) dans le cadre du fameux CAPI (contrat d’amélioration des pratiques individuelles remplacé dans la convention par un nouveau système de rémunération à la performance). À l’été 2011, 16 000 médecins avaient signé un CAPI avec leur caisse, soit plus d’1 médecin éligible sur 3. De source syndicale, le CAPI a procuré des primes moyennes légèrement supérieures à 3 000 euros. En revanche les quelques timides avancées tarifaires en médecine générale liées à la nouvelle convention (visite longue, cumul C/CS et frottis cervico-vaginal, C2 consultant...) sont entrées en vigueur en 2012 et n’apparaissent donc pas la trésorerie 2011.
Autre raison majeure du rebond des revenus généralistes : le contexte épidémique a été deux fois plus animé qu’en 2010 (la seule épidémie de grippe pour la saison hivernale a duré 9 semaines avec plus de 2,2 millions de personnes ayant consulté leur généraliste pour un syndrome grippal).
À noter que l’augmentation du BNC 2011 du généraliste (7,7 %) est plus rapide que celles de ses recettes brutes (5,2 % à 143 600 euros). La raison de ce décalage ? La marge nette du généraliste progresse à la faveur d’une baisse des charges sociales (calculées sur deux années antérieures très difficiles) et d’une maîtrise des frais. Le résultat est donc moins « grignoté »: sur 100 euros de recettes totales (honoraires perçus), le bénéfice est passé de 58 euros en 2010 à 59,2 euros en 2011 (les deux dernières années dans la foulée de la réforme de la taxe professionnelle).
Au sein des généralistes, les écarts de revenus vont du simple au triple. Le quart le moins fortuné émarge en moyenne à 40 800 euros quand le quart le mieux loti affiche plus de 140 000 euros de résultat.
Dans la profession, on relativise ces résultats. « Ce rebond de 7 % n’est pas surprenant puisqu’il intervient après trois années de baisse continue des revenus et permet à peine de compenser la hausse des prix, tempère le Dr Michel Combier, chef de file des généralistes de la CSMF. Ce yoyo empêche les généralistes d’investir dans des secrétariats ».
Spécialistes : deux tiers gagnent, un tiers perdent
Les spécialistes ont connu une fortune diverse en 2011. Sept disciplines (sur 23) essuient même une perte nette de leur bénéfice imposable dont une grande majorité de disciplines techniques. C’est le cas des radiologues (-1,9 %) dans la foulée de nouvelles décotes tarifaires appliquées en 2011 mais aussi des anesthésistes (-2 %), de certains chirurgiens (urologues, orthopédistes) ou encore des cardiologues (-2,6 %). Pour eux, le cru est amer. L’an passé, outre la médecine générale, seules deux spécialités affichaient des résultats en repli (pédiatrie et chirurgie urologique). À noter que pour les psychiatres, la hausse constatée ne compense même pas l’inflation...
Au sein des spécialistes dont le BNC progresse (16 disciplines), on trouve à l’inverse nombre de « cliniciens » comme les endocrinologues (+12,3 %), les rhumatologues (10,1 %), les pneumologues (9 %), les dermatologues (7,4 %) ou encore les gynécologues médicaux et les pédiatres (4 %). Mais la plupart de ces spécialités avaient souffert (entre 2005 et 2009) des effets de la mise en place du médecin traitant et des parcours de soins, ce qui nuance fortement cette embellie.
Faut-il y voir un début de rééquilibrage des revenus médicaux ? Peut-être... Mais on est très loin du compte comme en témoigne la pyramide générale des bénéfices qui montre toujours des résultats moyens allant du simple au triple (lire cet article). Il sera intéressant néanmoins de voir si les « cliniciens » entament vraiment leur rattrapage en 2012, ce qui est précisément un des objectifs de la nouvelle convention. Cette dernière a prévu des revalorisations pour les pédiatres, les psychiatres, les dermatologues, les gynécologues médicaux ou encore les endocrinologues. Mais toutes ces hausses ne sont applicables que depuis mars 2012. Seul un investissement massif sur la CCAM clinique (grille des consultations) pourrait corriger significativement les écarts de rémunération. Pas vraiment à l’ordre du jour...
(1) Secteur I et secteur II confondus. Les généralistes adhérant aux AGA de l’UNAPL ont traditionnellement des revenus moyens un peu plus élevés que les autres.
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