Une association sportive de Metz avait saisi le Conseil constitutionnel en considérant que les règles régissant la taxe sur les salaires étaient contraires aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui garantissent l’égalité des citoyens devant la loi et devant les charges publiques. La Haute assemblée a rejeté les arguments de cette association dans une décision particulièrement obscure et laborieuse que l’on peut résumer ainsi : la taxe sur les salaires n’est pas contraire à la Constitution parce qu’elle n’est pas contraire à cette Constitution…
Il faut reconnaître que les enjeux de cet examen par le Conseil étaient importants. La taxe sur les salaires est en principe due par tous les employeurs mais en sont exemptés, totalement ou partiellement, les employeurs par ailleurs exonérés de TVA, totalement ou partiellement. L’employeur partiellement assujetti à la TVA paie la taxe sur les salaires au prorata de ses recettes exonérées de TVA.
Résultat : seuls 25 % des employeurs paient la taxe sur les salaires. Parmi ceux-ci, les banques, les compagnies d’assurances, les hôpitaux et les cliniques, les associations régies par la loi de 1901... ainsi que les professions médicales et paramédicales.
Malgré cela, la taxe sur les salaires est extrêmement rentable puisqu’elle a rapporté 11,43 milliards d’euros en 2009, soit près de 3 % des recettes de l’Etat ! On comprend donc l’embarras du Conseil constitutionnel.
Le radiologue et l’avocat
Démonstration de cette ambiguité : un cabinet de radiologie qui réalise 500 000 euros de recettes, avec une masse salariale de 97 000 euros, acquitera une taxe sur les salaires de 9 200 euros. Un cabinet d’avocats, avec les mêmes recettes et la même masse salariale, ne paiera pas cette taxe ! le calcul est simple : écart d’imposition de 9 200 euros entre les deux professionnels libéraux.
Dans ces conditions, comment peut-on affirmer qu’il y a égalité devant les charges publiques ? Et quels sont les «critères objectifs et rationnels » invoqués par les juges pour justifier une telle différence de traitement ? Le Conseil constitutionnel est même tellement gêné pour justifier sa position qu’il n’hésite pas à donner un argument fallacieux : « le barème de la taxe sur les salaires tient compte de la différence de situation entre les contribuables qui ne relèvent pas des mêmes secteurs d’activité ».
D’autant que les professions non exonérées de TVA sont lésées sur un autre point : comme elles ne peuvent pas récupérer la TVA sur leurs dépenses, celles-ci leur reviennent plus cher ! Quand vous achetez une calculatrice 100 euros TTC, elle vous revient effectivement à 100 euros (avant déduction).
Pour notre cabinet d’avocats, elle ne coûtera que 83,61 euros puisque l’Etat lui rembourse la TVA qu’il aura acquitée sur cet achat. Au bout d’un an, la différence n’est pas négligeable, surtout si vous faîtes de gros investissements ou des travaux. Pour un matériel de 50 000 euros, l’écart est de 8 194 euros !
Les professios médicales et paramédicales vont donc continuer à payer cette taxe particulièrement inopportune en période de fort chômage, pénalisant les entreprises qui embauchent du personnel et leur donnent des salaires élevés.
On attendait beaucoup de la possibilité donnée aux particuliers de saisir le Conseil constitutionnel par la voie des « questions prioritaires de constitutionnalité ». Un espoir qui a été vite déçu, à la lecture des premières décisions de cette assemblée.
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