- Mais bon sang, dépêchez-vous ! Il nous fait une syncope !
L’inspecteur Bouchais perd son sang-froid. En plein interrogatoire, alors qu’il croyait Georges Lefranc enfin à point et prêt à avouer, l’homme est brutalement tombé, raide, comme mort. Puis, sans reprendre conscience, le voici agité de soubresauts désordonnés.
L’inspecteur hésite à prendre son suspect à bras le corps pour le maîtriser. En revanche, il repousse les meubles, autant que faire se peut, dans l’espace assez restreint du bureau. Il ne manquerait plus que Lefranc se blesse. Autant éviter, par la suite, une plainte pour coups et blessures…
Georges pousse quelques cris, on dirait aussi qu’il bave. Bouchais n’en mène pas large.
Tout à coup un homme s’encadre dans la porte, précédé d’un policier en tenue.
- Vous avez besoin d’un médecin ? Docteur Geix, neurologue. C’est un hasard, je venais déposer plainte après le cambriolage de mon cabinet, à trois rues d’ici… vers lequel il se précipite.
Le médecin s’interrompt, soudain concentré sur Georges Lefranc.
- Il nous fait une crise d’épilepsie. De grand mal si cela peut vous aider à comprendre. Vite, appelez une ambulance ! Depuis combien de temps a-t-il perdu connaissance ? Si la crise se prolonge ça peut être grave.
Les ordres fusent. Dans la tempête qui agite le commissariat, le docteur Geix, avec calme, s’occupe de Georges, dont les convulsions se sont apaisées mais qui n’a pas encore repris conscience. À l’arrivée du SAMU, il transmet les consignes à ses collègues, en vue notamment d’un électro encéphalogramme.
- Il ne se souviendra vraisemblablement de rien, explique le neurologue à l’inspecteur. L’épilepsie est une maladie neurologique. Pour faire simple, il se produit un court-circuit des neurones dans le cerveau. On disjoncte. Les symptômes sont variés, on ne perd pas toujours connaissance du moins pas totalement comme dans le cas qu’on vient de voir. Mais, le plus souvent, les personnes atteintes ne se souviennent plus de leurs crises. Trou noir. Qu’ont-elles fait ? Qu’ont-elles dit ? Où étaient-elles ? Parfois, sans le récit de tiers, elles ne pourront pas reconstituer ces épisodes de leur vie. C’est un handicap psychologique qui s’ajoute aux effets de la maladie.
Ces explications ouvrent un gouffre de perplexité dans l’esprit cartésien de l’inspecteur. Épilepsie pourrait donc rimer avec amnésie ?
- Docteur, peut-on être épileptique sans le savoir ?
- Vous pouvez avoir de petites absences qui passent inaperçues pour votre entourage et quasiment de vous-même. Vous les interprétez comme un coup de fatigue, sans consulter un médecin. Et un jour survient une crise plus grave qui donne l’alerte. Monsieur Lefranc avait-il eu des alertes par le passé ?
Bouchais hésite :
- Non. Enfin je ne crois pas, murmure-t-il, puis il ajoute, dans un élan de confiance envers le médecin : « Pendant l’interrogatoire il s’est obstiné à répéter qu’il ne se souvenait pas d’avoir accompagné son ami dans le bar où a eu lieu une bagarre mortelle vendredi soir. Et impossible de l’en faire démordre. »
- À votre place je creuserais la question, rétorque du tac au tac le médecin. « Une erreur judiciaire est si vite arrivée… »
Prochain épisode dans notre édition du 5 juillet
Jeanne Mazabraud: Originaire du Sud-Ouest de la France, Jeanne Mazabraud, est de retour en France après avoir travaillé à l'étranger pendant plus de vingt ans. L'écriture de fiction en langue française, est pour elle, comme pour ses lecteurs, une source d'épanouissement et de plaisir depuis toutes ces années.
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