Mais qu’est-ce que je fais ici ? Georges ouvre un œil ébahi. Il gît sur un lit d’hôpital, une perfusion dans le bras. Il mobilise ses forces pour tenter de se redresser, cherche des repères connus, écoute à peine les mots rassurants de l’infirmière :
— Tout va bien. La visite aura lieu dans quelques minutes. On vous expliquera tout. Détendez-vous.
Deux médecins entrent.
— Docteur Geix, merci de vous être libéré pour visiter avec moi monsieur Lefranc. Monsieur Lefranc, je suis le docteur Jaut, chef du service de neurologie. Le docteur Geix est intervenu alors que vous étiez plongé dans une crise généralisée d’épilepsie au commissariat de votre arrondissement. Il vous a fait transporter ici où nous vous traitons depuis hier.
George est ébahi :
— Une crise d’épilepsie ? Mais c’est fou ! Et jamais je ne m’en serais rendu compte avant ? Comment expliquez-vous ça Docteur ?
— L’épilepsie est une maladie neurologique. Les neurones de votre cerveau communiquent entre eux par des impulsions électriques. L’épilepsie se manifeste lorsque des anomalies se produisent dans cet échange. Des courts circuits, en quelque sorte. De multiples symptômes peuvent en être la marque : cela va d’absences de si courte durée que le patient lui-même ne les perçoit pas clairement, jusqu’à la crise généralisée. C’est ce qui vous est arrivé au commissariat où le docteur Geix, venu pour un cambriolage, vous a porté assistance.
Le premier diagnostic posé par le docteur Geix a été confirmé par l’électro-encéphalogramme. Une IRM est programmée. Un traitement de long cours sera prescrit.
Georges se focalise sur l’absence de souvenirs. Le trou noir de la crise le hante. En revanche, la mémoire de la garde à vue et de l’interrogatoire très poussé de l’inspecteur Bouchais lui revient d’un seul coup. La panique le saisit : de la chambre d’hôpital à la cellule de la santé, n’y aurait-il qu’un pas ? À la suite surgit un autre flot de souvenirs. Il est avec son ami Bertrand à la sortie de la Brasserie des Amis. Il se revoit refuser de prendre un dernier verre. Il hèle péniblement un taxi. Arrivé chez lui il peine à ouvrir la porte. Puis plus rien sinon de vagues bribes d’un réveil pâteux au petit matin, sur le canapé du salon, le temps de se traîner au lit et d’émerger dans l’après-midi du samedi. Et le lundi matin, la convocation au commissariat, comme une plongée en enfer.
— Alors, on tente d’échapper à la police ?
En écho aux angoisses de Georges résonne soudain la voix de l’inspecteur Bouchais. Une voix pleine d’une fausse jovialité ! Sans façons, le policier se laisse tomber sur le lit de Georges pour livrer « les résultats de l’enquête » : le témoignage tardif d’un serveur du bar du Marais a permis d’identifier l’agresseur de Bertrand, un revendeur de drogue enragé de se faire éconduire. Appréhendé la nuit dernière fréquentant un autre établissement, l’homme a avoué.
— Cher Monsieur, remerciez le docteur Geix. Vous lui devez une fière chandelle.
Dans une pirouette – et sans une excuse –, l’inspecteur tire sa révérence, laissant place à Geneviève, l’ex-fiancée de Bertrand, ravissante en tailleur bleu électrique. Je disjoncte, pense Georges. Et l’épilepsie n’y est pour rien…
Prochaine histoire courte dans notre édition du 6 septembre
Jeanne Mazabraud: Originaire du Sud-Ouest de la France, Jeanne Mazabraud est de retour en France après avoir travaillé à l'étranger pendant plus de vingt ans. L'écriture de fiction en langue française, est pour elle, comme pour ses lecteurs, une source d'épanouissement et de plaisir depuis toutes ces années.
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