Livres
Trente ans après « l’Homme qui devint Dieu », Gerald Messadié fait œuvre de contrition et de réparation dans « Jésus dit Barabbas » (1). C’est en approfondissant l’étude de l’exégète Rudolf Bultmann, concernant les premières transcriptions écrites des Évangiles, réalisées à partir de l’an 70, de l’araméen au grec, que son attention fut attirée par le nom Barabbas, qui serait celui du brigand dont le peuple juif aurait demandé la libération à la place de Jésus. Or, Barabbas signifie « fils du père » et ne peut être un nom. Les premiers rédacteurs ont donc commis une erreur de traduction et c’était bien Jésus dont les Juifs, assemblés devant le prétoire de la résidence de Pilate, avaient demandé la libération. Une erreur lourde de conséquences, puisque les évangélistes ont jeté sur les Juifs la responsabilité de la condamnation de Jésus, présentant Ponce Pilate comme son défenseur. « Toute l’histoire de Jésus était à revoir, y compris ce que j’en avais reconstitué. C’est l’objet de ces pages », précise l’auteur. Ajoutant que cela ne change pas l’enseignement de Jésus, mais seulement son personnage et son histoire.
Un autre mythe tombe sous la plume de Franck Ferrand (auteur de la saga « la Cour des dames »), celui de François Ier comme roi-chevalier, père des Lettres et restaurateur des Arts. Sans vouloir souiller la mémoire d’un des souverains les plus appréciés de l’histoire de France, l’historien s’est mis en tête, dans « François Ier, roi de chimères » (2), d’en donner une image pour le moins contrastée. Reprenant un à un les principaux épisodes du règne du bâtisseur de Chambord et de Fontainebleau, il décrit « un être vaniteux et faux, le jouet de sa mère et de ses maîtresses, le dupe de ses favoris, le plus souvent inconséquent, presque toujours mal inspiré »... Un « portrait-vérité » qui a la dent dure !
Période sanglante
Autre personnage historique controversé, Marie-Thérèse de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, une des nombreuses victimes du régime de la Terreur, revit grâce à Alexandra de Broca (l’auteure de « la Princesse effacée ») dans « Monsieur mon Amour » (3). Depuis la prison de la Force où elle attend son jugement, cette aristocrate turinoise qui, durant vingt ans, s’est dévouée à Marie-Antoinette, d’abord dans le faste de Versailles, puis dans la tourmente révolutionnaire des Tuileries, s’adresse ainsi chaque jour à Philippe d’Orléans, cousin du roi mais député proche de Robespierre, implorant son aide. Vingt années durant lesquelles la vertueuse princesse a, peut-être, aimé en secret le plus débauché des hommes. Qui ne la sauvera évidemment pas.
« La Terreur » (4) est justement le contexte et le titre de l’excellent premier roman de Patrick Wald Lasowski (qui a notamment dirigé les deux volumes des « Romanciers libertins du XVIIIe siècle » dans la Pléiade), qui prend la forme d’un journal rédigé de mars 1793 à juillet 1794 par un certain commissaire Grand-Jacques. L’homme est âgé et malade, il ne dompte la douleur que grâce à de l’opium mélangé à du vin de ratafia et ne suit plus les enquêtes sur les crimes de sang ordinaires que de loin. Jusqu’à ce que l’assassinat de cinq prostituées relance, dans cette atmosphère de paranoïa et d’atrocités quotidiennes, son désir de justice. Bien plus qu’un suspense policier et bien au-delà d’un récit romanesque, ce livre très documenté se lit comme les minutes implacables d’une période sanglante. Le vieil homme rongé par le cancer mais que visitent chaque nuit des rêves érotiques est le greffier d’une danse macabre où seule subsiste son humanité.
À découvrir également la douzième aventure de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet sous le règne de Louis XVI, signée bien sûr Jean-François Parot. « La Pyramide de glace » (5) se déroule à la fin du terrible hiver 1784, lorsqu’au dégel apparaît, à l’intérieur de ce qui fut une statue de glace, le corps d’une femme dénudée qui est le sosie de la reine Marie-Antoinette. La victime participait à des soirées particulières organisées à Monceau par le duc de Chartres, futur duc d’Orléans…
Se situant plus loin dans le temps et dans l’espace, « les Enfants du Khan » (6), d’Armand Herscovici, aborde l’histoire de l’Empire mongol au XIIIe siècle, après la mort de Gengis Khan et quand ses fils, incapables de gouverner, laissent leurs épouses s’emparer du pouvoir. Ambitieuses et combattantes, elles ont su néanmoins maintenir l’unité de l’Empire, le préserver de la guerre civile et du chaos. Elles s’appellent Toregene, Sorgaqtani et Chabi et leur histoire nous est contée par la voix d’Alagh, une jeune esclave devenue à la fin de sa vie la cinquième épouse du Grand Khan Kubilaï. L’auteur a choisi à bon escient de nous entraîner dans cette épopée méconnue en suivant le destin d’un personnage imaginaire qui côtoie les grands noms de l’Histoire, dont Marco Polo. Une épopée riche d’aventures, d’amours et de drames, qui nous transporte de la Chine profonde aux confins de l’Europe, du Tibet à la Sibérie.
Faut-il en rire ou en pleurer ? À lire les vies des « Malchanceux de l’histoire de France » (7) compilées par Jean-Joseph Julaud, on ne sait plus que penser, qui nous entraînent, entre émotion et pittoresque, du rire aux larmes. L’auteur, à qui l’on doit notamment « l’Histoire de France pour les Nuls » et « la Littérature française pour les Nuls », a usé de son savoir et de son sens de l’humour habituels pour raconter vingt destins d’hommes et de femmes qui appartiennent au patrimoine de la déveine. Une litanie de la poisse qui n’engendre aucune monotonie car, tout en respectant les noms, les faits et les dates historiques, il a inventé vingt approches et styles différents.
(1) JC Lattès, 404 p., 20,90 euros.
(2) Flammarion,235 p., 19,90 euros.
(3) Albin Michel, 234 p., 18 euros.
(4) Le Cherche Midi, 346 p., 17 euros.
(5) JC Lattès, 474 p., 19 euros.
(6) Pygmalion, 368 p., 19,90 euros.
(7) Le Cherche Midi, 221 p., 19,90 euros.
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