Le nouveau film de Lucas Belvaux, co-écrit avec l'écrivain Jérôme Leroy (auteur du roman « Le Bloc » et habitant du Nord), raconte l'histoire de Pauline Duhez (Émilie Dequenne), infirmière à domicile dans le Nord, dévouée et aimée de ses patients, fille de communiste, qui voterait plutôt à gauche si elle croyait encore à la politique, et qui se voit proposer d'être tête de liste d'un parti extrémiste aux prochaines municipales... par le Dr Berthier (André Dussolier).
« Chez nous » montre comment un discours se banalise, devient audible aux oreilles de ceux qui en sont le plus éloignés, en se présentant sous des dehors affables, humanistes et désintéressés. Comment il s'implante grâce à de nouveaux visages : infirmiers, enseignants, et médecin, qui se révèle un des meilleurs alliés dans cette quête de respectabilité de l'extrême droite – le spectateur devine sans mal la galaxie du FN des Le Pen derrière le rassemblement national populaire, ex-bloc nationaliste, présidée par une présidente en rupture avec son père infréquentable.
« J'ai essayé de décrire une situation, un parti, une nébuleuse, de décortiquer son discours, de comprendre son impact, son efficacité, son pouvoir de séduction. De montrer la désagrégation progressive du surmoi qu'il provoque libérant une parole jusqu'ici indicible. D'exposer la confusion qu'il entretient, les peurs qu'il suscite, celle qu'il instrumentalise », explique Lucas Belvaux dans sa note d'intention.
Médecin de famille dans un désert médical
Le Dr Berthier est, à l'égard de Pauline, tout à la fois collègue, médecin de famille précieux dans un désert médical, et figure paternelle. Le médecin grâce à qui il y a 15 ans, la mère de Pauline, atteinte de cancer, n'a pas souffert. Celui qui sait la flatter et lui assurer une reconnaissance, alors qu'elle est plus que jamais seule, après le décès d'une patiente, ses deux enfants sur les bras, son ex aux abonnés absents et son propre père à la dérive, malade et acariâtre.
Si le film suit l'évolution de Pauline (indifférence, curiosité, acquiescement timide, puis adhésion totale à la cause extrême, pour ne rien « spoiler »), son intérêt repose surtout sur le dévoilement du personnage du médecin chargé de recruter Pauline comme candidate.
Ses premiers arguments se veulent dans la droite ligne de sa vocation de médecin : proche des patients, au contact de la misère, ni-droite ni-gauche, au-dessus des partis corrompus... « On ne se bat pas pour des idées, mais pour les gens », dit-il à l'ingénue, dénonçant la fracture sociale, appelant au véritable changement.
Le Dr Berthier guide ensuite l'infirmière dans sa progression sur la face lumineuse de l'extrémisme : meeting politique, rencontre avec la présidente du parti Agnès Dorgelle (Catherine Jacob) qui contrôle tout, coaching par des cadres jeunes, dynamiques et sur-diplômés, petit traité de bienséance (ne jamais se montrer raciste – mais laisser dire, évoquer « la racaille », mais jamais de « bamboula »).
Montage parallèle
En parallèle à ce parcours initiatique, « Chez nous » nous plonge dans le versant sombre de la fachosphère, à travers Stéphane Stankowiak, l'amour de jeunesse de Pauline qui refuse les habits de la respectabilité pour se livrer à des expéditions ultraviolentes contre des migrants, ou encore, l'adolescence radicalisée (au FN, mais cela pourrait aussi être au djihadisme, le réalisateur jouant sur la proximité des imaginaires de haine) via les réseaux sociaux.
Malgré la blouse blanche, le Dr Berthier n'est pas aussi éloigné qu'il le prétend de ce côté obscur. Le film semble même démontrer que Stanko et le Dr Berthier sont deux visages d'une même réalité. « Ce n'est pas se renier que de mettre un costume. Changer de stratégie, ce n'est pas changer d'objectif. Tu ne pouvais pas le comprendre ça ? », dit le Dr Berthier à Stanko, dont il fut, dans un sombre passé commun, un père spirituel.
Vraissemblant, le Dr Berthier ? « Si je peux contribuer à diffuser des idées de bon sens, je veux bien servir de relais », expliquait dans nos colonnes lors des élections régionales de 2015 le Dr Jean-Louis Meizonnet, médecin généraliste à Vauvert, proche de l'avocat Gilbert Collard qui l'avait incité à « sortir la tête de la tranchée ». Ce serait « beaucoup d’honneur d’être l’incarnation de ce FN respectable », déclarait aussi le Dr Pierre Cherrier (dont le nom n'est pas sans faire écho à celui de Berthier) gynécologue à La Celle-Saint-Cloud (bastion de la famille Le Pen), et tête de liste FN en Seine-et-Marne.
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