POUR TRISHA BROWN, la danse était « une répartition démocratique du mouvement dans le corps entier ». Le Festival d’automne à Paris et le Théâtre de la Ville ont consacré deux programmes à la chorégraphe américaine, qui, à 75 ans, très affaiblie par des problèmes cérébraux, a décidé de passer la main à ses deux collaboratrices, Diane Madden et Carolyn Lucas. Ces soirées étalées sur deux semaines ont attiré un public nombreux et enthousiaste, d’autant que des rumeurs circulent sur la fin prochaine de la Trisha Brown Dance Company, créée en 1970, dont ce serait la tournée d’adieux. Dernière occasion donc de voir de première main ces chorégraphies qui ont bouleversé la danse contemporaine de la fin du siècle dernier. Un trésor culturel pour ceux qui étaient trop jeunes à l’époque et qui peuvent douter de sa richesse aujourd’hui, devant un abâtardissement constant, à commencer par ce que le Théâtre de la Ville a fini par appeler « danse élargie » dans sa programmation.
Les deux programmes ont montré des pièces étalées sur près de trente années (de 1966 à 1994) et toutes créées sur des scènes françaises. « Newark » (Angers, 1987), pour 7 danseurs, était peut-être la plus belle : Trisha Brown s’y montre virtuose dans l’art de créer le mouvement et le coordonner à toutes les autres composantes, éclairage, obstacles, éléments externes scéniques, sans que rien n’ait jamais l’air ni fabriqué, ni improvisé. Et aussi « For M.G : the Movie » (Douai, 1991), pièce écrite en hommage à Michel Guy, qui a soutenu la carrière française de la chorégraphe, dont il avait fait la découverte à New York : un magnifique ensemble pour 7 danseurs (tous remarquables), où la géométrie des corps joue avec celle de la lumière et des couleurs. « If you couldn’t see me » (1994, Chateauvallon) était la touche d’humour de ces programmes, solo magistralement dansé par Jamie Scott entièrement dos au public ! « Astral Convertible » (Montpellier, 1989), réglé sur la musique de John Cage, concluait ce formidable hommage : cette chorégraphie pionnière de la danse urbaine, que Trisha Brown voulait « transportable », restera également comme un souvenir illuminé, avec ses tours lumineuses créés par Robert Rauschenberg et Pier Biorn.
Silence.
De son côté, le Ballet de l’Opéra de Paris* reprend actuellement sa version de « Glacial Decoy » (1979), ballet dans le silence, dans un triptyque raffiné qui affiche aussi une reprise de « Doux mensonges », de Jírí Kylián, sur des musiques de Gesualdo et Monteverdi, et une création de Saburo Teshigawara, « Darkness is Hiding Dark Horses ». De « Doux mensonges », on peut dire, si l’on en juge par l’applaudimètre, que le ballet a encore beaucoup de beaux soirs devant lui ; c’est toujours un plaisir de revoir l’une des plus belles chorégraphies créées par Kylián pour l’Opéra de Paris. La création de Teshigawara, en revanche, malgré les moyens mis et la participation de trois étoiles, n’a pas fait vraiment l’événement. Les atmosphères créées par les geysers de fumée, le noir du décor, la musique planante et les bruits de chevaux forment un ensemble d’un esthétisme extrême, qui ne palpite pas plus de quelques minutes.
On est presque soulagé par le silence de « Glacial Decoy », qui, sur une suite de photos signées Robert Rauschenberg, voit défiler 5 danseuses dans un perpetuum mobile à la chorégraphie très symétrique. Surtout, après avoir vu les danseurs de la Trisha Brown Dance Company deux soirées durant, on se dit qu’une danseuse de formation classique qui danse du Trisha Brown, ce n’est qu’une technique apprise et vite restituée. Rien dans le mouvement gracieux d’un bras, le port de cou, la pose d’un chignon d’une danseuse de formation classique n’appartient à la danse postmoderne.
* Opéra de Paris-Palais Garnier (tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr), jusqu’au 14 novembre.
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