Le Dr Marc Magro est ambitieux. Son dernier livre* fait en 300 pages un récapitulatif des avancées du progrès médical, de la Préhistoire jusqu'à nos jours.
L'affaire est menée tambour battant, couche après couche, l'auteur expliquant qu'à son sens, l'histoire de la médecine procède « par strates successives, souvent décalées ».
Et « décalé », « Un pouls dans la tête »* l'est assurément, qui nous propose un voyage dans le temps ponctué d'une centaine d'étapes express.
Le programme est prometteur ; il annonce un circuit passant par la « trousse à pharmacie dans l'Amérique précolombienne », « l'arsenal chirurgical de Pompéi », « la ceinture de chasteté », « le tribunal de l'impuissance », « l'épopée du clitoris », « la morgue de Paris »... sans que le lecteur soit déçu à l'issue de sa plongée dans chacun de ces palpitants chapitres.
Les « petites histoires » de la médecine, parallèlement à la grande, retiennent l'attention du Dr Magro. On apprend ainsi pêle-mêle que si la sangsue (consommée au rythme hallucinant de 60 millions d'individus par an entre 1830 et 1840) a disparu en 1938 du Codex français, elle est restée remboursée par la Sécurité sociale jusqu'en 1972. Que l'Angleterre victorienne a pratiqué avec enthousiasme le « massage vulvaire sur ordonnance » pour soigner ses élégantes hystériques. Que des expériences neurologiques menées au début du XXIe siècle sur des rats vivants décapités pourraient bien donner raison aux spectateurs des exécutions de la Terreur qui ont vu cligner des yeux de guillotinés. Qu'au XVIIIe siècle, les rives des fleuves des grandes villes d'Europe se sont dotées de boîtes de secours spéciales noyés enfermant… un nécessaire à fumigation (pulmonaire ou rectale).
Du pigeon mort entre les orteils
À la prise de ce « pouls dans la tête », on rit beaucoup. Par exemple, quand l'auteur s'interroge sur cette (autre) manie anglaise de remédier, au XVIe siècle cette fois-ci, à la mélancolie par la consommation de pigeon : « La viande de l'oiseau permettrait de lutter contre les vapeurs responsables (du mal), explique-t-il. Mais on peut aussi prendre un pigeon vivant (pigeon ou poulet), l'ouvrir en deux et l'appliquer sur les pieds du malade. Cette pratique a été couramment utilisée au moment des épidémies de peste, surtout en dernier recours avant la mort. (Doit-on y voir une façon de lutter contre la déprime quand on se sait mourir ? On imagine mal les patients pestiférés, à l'article de la mort, l'œil heureux et sourire aux lèvres grâce à un pigeon mort qui leur dégouline entre les orteils.) »
Petrus Hispanus, ante coitum
On fait aussi des rencontres : celle, entre autres, de Petrus Hispanus (ou Jean XXI), médecin – et pape de 1276 à 1277. Unique souverain pontife portugais, l'homme a commis un ouvrage médical (« Thesaurus Pauperum »), gros succès d'édition pour l'époque, comprenant deux beaux chapitres sur le coït « avec, rapporte Marc Magro, des questions pratiques : comment améliorer l'acte sexuel et dompter les pulsions ? ».
L'auteur se penche sur ce personnage paradoxal « qui fera vœu de chasteté mais dont les conseils pratiques et les détails érotiques voués à l'amour et la sexualité du couple sont dignes d'un sexologue ».
Le Dr Magro s'amuse aussi, à la lecture de ce « Thesaurus Pauperum », de l'inventivité du futur pape : « Au-delà de l'utilité procréative des solutions proposées, Petrus Hispanus insiste sur le lien entre désir et plaisir. Le fiel (ou bile) de sanglier oint sur le pénis de l'homme stimule le coït et procure la délectation de sa partenaire. La consommation de testicules de cerf ou de taureau augmente la jouissance des dames. On peut imaginer que l'homme du Moyen-Âge, s'il veut avoir du plaisir et en donner, a tout intérêt à aimer la chasse, car nombre de recettes sont à base de sanglier, cerf, taureau, et même renard dont on utilise la queue. »
Médecin urgentiste au CHU de Nice et au CH de Menton, le Dr Marc Magro ne perd pas de vue le fait que si les historiettes par lui compilées peuvent prêter à sourire, la médecine reste un art éminemment sérieux. Il conclut son ouvrage en constatant qu'« il existe au sein du corps médical une conscience, celle d'un désir de ne jamais arrêter l'immense entreprise que ce formidable héritage [de l'histoire de la médecine] a laissé ».
* Marc Magro, « Un pouls dans la tête, chroniques étonnantes de la médecine d'hier et d'aujourd'hui », First Editions.
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