Commençons par un maître qui a choisi de ne plus jouer. Un modèle d’interprète, au théâtre comme au cinéma. À bientôt 94 ans, il se fait rare. Mais Michel Bouquet est présent en cette rentrée grâce au très brillant Maxime d’Aboville, qui a composé un montage d’après deux livres d’entretiens, des propos recueillis par Charles Berling (« les Joueurs », Grasset) et par Fabienne Pascaud (« Mémoire d’acteur », Plon). Deux livres qui datent de 2001.
Dans « Je ne suis pas Michel Bouquet » (1), on écoute le grand comédien. Il parle de sa vie autant que de son art par le truchement du fin Maxime d’Aboville, dirigé par Damien Bricoteaux. On découvre quel courage il lui fallut pour, à 17 ans, aller sonner à la porte de Maurice Escande, grand sociétaire du Français, ou comment un homme qu’il ne connaissait pas l’engagea… C’était Albert Camus. Un moment passionnant qui excède bien la « boutique » ! Et vous rirez souvent, notamment lorsque Bouquet raconte certaines scènes tournées pour Chabrol.
À noter que tous les dimanches, à partir du 15 septembre, Maxime d’Aboville reprend dans le même théâtre (Poche-Montparnasse) sa jubilatoire « Leçon d’Histoire de France » en deux volets.
Le singe et les hommes
Seul en scène également est Brontis Jodorowski dans « le Gorille » (2), d’après Kafka. C’est son père, Alejandro Jodorowski, qui a construit cette adaptation dense de « Rapport pour une académie » et signe la mise en scène. Un moment très impressionnant : un singe arraché à sa jungle apprend à parler pour tenter de s’intégrer à la société des hommes.
Créé il y a neuf ans, ce moment extraordinaire, qui doit beaucoup à la composition et à la sincérité de Brontis Jodorowski, longtemps membre de la troupe du Soleil d’Ariane Mnouchkine, prend dans notre monde de 2019 une résonance particulière. Comment accueillir l’autre ? Le comédien est remarquable et l’on est bouleversé par le destin tragique qui nous est raconté.
En musique
Au Rive Gauche, le théâtre dont il est propriétaire, Éric-Emmanuel Schmitt se plaît à se souvenir de la manière dont il apprit la musique. Accompagné du très remarquable Nicolas Stavy au piano, il nous propose, avec « Madame Pylinska et le secret de Chopin » (3), le portrait cocasse d’une femme très originale. Un grand tempérament à accent slave que l’auteur à succès compose avec jubilation, tout en jouant aussi le jeune Schmitt, Normalien épris de musique. Un joli texte, sentimental et mélancolique. Souvent drôle. On est sous le charme puissant de Frédéric Chopin, interprété à la perfection par un virtuose.
Vaudeville
Dans un tout autre genre, voici une comédie écrite et jouée par Sébastien Castro. Une forte personnalité, un tempérament comique formidable mis au service d’une intrigue qui ne s’embarrasse pas de vraisemblance. « J’ai envie de toi » (4) tricote des histoires de trentenaires dans deux appartements mitoyens qui communiquent.
Amour, pulsions, quiproquos, rencontres inopportunes. Bref, un vaudeville d’aujourd’hui avec des femmes très libérées ! Mis en scène par un maître, José Paul, Sébastien Castro est irrésistible, comme son voisin l’excellent Guillaume Clérice. Maud Le Guénédal, Anne-Sophie Germanaz, Astrid Roos s’amusent bien. Surgissant à la fin, Alexandre Jérôme en rajoute un peu… Le public rit énormément !
(1) Poche-Montparnasse, à 19 heures, du mardi au samedi. Durée 1 h 05. Tél. 01.45.44.50.21, www.theatredepoche-montparnasse.com
(2) Lucernaire, jusqu’au 3 novembre. À 21 heures du mardi au samedi, dimanche à 18 heures. Durée 1 h 10. Tél. 01.45.44.57.34, www.lucernaire.fr
(3) Rive Gauche, jusqu’au 29 septembre. À 20 h 30 du mardi au samedi, dimanche à 15 heures. Durée 1 h 50. Tél. 01.43.35.32.31, www.theatre-rive-gauche.com
(4) Fontaine, jusqu'au 5 janvier. À 21 heures du mardi au samedi, à 16 h 30 le samedi, 16 heures le dimanche. Durée 1 h 30. Tél. 01.48.74.74.40, www.theatrefontaine.com
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