À l'Opéra Comique

Flamboyante Manon

Par
Publié le 20/05/2019
Article réservé aux abonnés
Cl-Manon

Cl-Manon
Crédit photo : STEFAN BRION

Manon2

Manon2
Crédit photo : STEFAN BRION

Disons d’emblée que ce qui aurait pu être une fête, le retour de « Manon » sur les lieux de sa création en 1884, dans une coproduction luxueuse avec les opéras de Genève et Bordeaux et avec une distribution soignée, a été gâché par la direction brutale et sonore de Marc Minkowski. L'acoustique de la fosse de Favart est sèche et difficile (contrairement à l’acoustique de la salle, favorable aux voix), beaucoup de chefs s’en accommodent. L’ignorer à ce point, avec un orchestre (Les Musiciens du Louvre) débraillé et aux sonorités acides et sèches, est criminel. Marc Minkowski a fait sonner une des plus célèbres partitions de l’opéra-comique français comme une fanfare assourdissante.

Côté mise en scène, on peut contester le parti pris d’Olivier Py de traiter « Manon » comme un show de cabaret et de l’axer sur la prostitution. Mais le spectacle est achevé, avec des personnages crédibles parfaitement dirigés, dans une scénographie et des costumes clinquants de Pierre-André Weitz qui rappellent un peu ceux créés pour le « Lulu » de Py à Genève.

Un personnage ambigu

Cela n’aurait certainement pas aussi bien fonctionné sans une Manon aussi étincelante et belle que celle incarnée par Patricia Petibon, la chanteuse privilégiée d’Olivier Py (elle fut sa Lulu et l’inoubliable Blanche de ses admirables « Dialogues de Carmélites » au Théâtre des Champs-Élysées). Elle se coule à merveille dans ce personnage ambigu, dont l’évolution en trois heures doit être spectaculaire pour être crédible.

Même si elle s’économise un peu au début, la voix de Patricia Petibon s’épanouit pour conduire Manon au terme de son destin tragique. Admirable de candeur dans « Adieu notre petite table », elle se révèle une extraordinaire comédienne à l’acte de Saint-Sulpice, sublimement traité par Olivier Py dans sa tragique nudité.

Frédéric Antoun, son Chevalier Des Grieux, est aux limites de ses moyens vocaux et n’était en rien aidé par un orchestre qui l’écrasait constamment. Jean-Sébastien Bou est un Lescaut parfait, cynique à souhait. Très crédibles, Damien Bigourdan dans Guillot de Morfontaine et Laurent Alvaro en Comte des Grieux. Le Chœur de l’Opéra de Bordeaux chantait en force et souvent décalé.

Un spectacle à reprendre certainement avec une meilleure équipe musicale.

Opéra Comique-Salle Favart, jusqu'au 21 mai.
Tél. 01.70.23.01.31, www.opera-comique.com

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9751