AVIGNON, il y a dix ans, ce fut le conflit des intermittents et l’annulation du dernier festival de l’ère Faivre-d’Arcier. Depuis, un rite s’est installé : avant le début de la première représentation de la cour d’honneur, un représentant de la profession lit un message à l’adresse du ministre de la Culture. Ils y ont tous eu droit. Samedi dernier ce fut le cas, avec, en plus, depuis la salle, l’intervention de deux hommes mêlant le souci nucléaire et les angoisses du secteur du spectacle vivant. Le public, impatienté, rugit en une belle bronca. Tout pouvait commencer.
En fait, le festival était lancé depuis la veille avec un spectacle de l’Espagnole Angélica Liddell sur la Chine et une démonstration en vidéo, images de synthèse, projections, feux d’artifice par le Groupe F sur les murs du nouvel équipement lié au festival. En dehors des remparts, à un quart d’heure à pied, La FabricA sera un lieu de travail toute l’année, avec studios pour résidences, salles de répétition, salle de spectacle modulable, stockage, etc. Un rêve aussi vieux que le festival et que les deux directeurs, qui signent leur dixième et dernière programmation, ont réussi à mener à bien.
Hortense Archambault et Vincent Baudriller étaient dans la cour avec tous les officiels pour la première de « Par les villages », de Peter Handke. Une pièce qui date de 1980-1981, créée à Salzbourg par Wim Wenders et en français, dans la traduction de Georges-Arthur Goldschmidt par Claude Régy quelques années plus tard.
Aujourd’hui, ce long « poème dramatique » n’a rien perdu de sa puissance et de son actualité. On y voit un homme, écrivain, revenir dans le village de son enfance et de son adolescence, appelé par son frère, charpentier. Ce dernier vit dans la maison des parents qui viennent de mourir. Il voudrait que l’aîné, parti à la ville, renonce à son héritage, pour lui et leur sœur qui rêve d’ouvrir une boutique.
La manière que possède Stanislas Nordey de se saisir d’un texte et de le rendre lisible, léger et profond à la fois, est remarquable. Ici, il joue la partition du frère artisan qui travaille sur un chantier. Trois autres ouvriers prennent la parole, ainsi que l’administratrice du chantier, une vieille femme, un enfant, et Sophie, la sœur. Il y a aussi, auprès de l’écrivain, une muse et compagne qui ouvre et ferme le « poème » en un monologue de près d’une demie-heure.
Nordey a su trouver les justes mouvements, les bons rythmes. Il a su s’entourer d’interprètes excellents et sensibles. Pas de dialogue ici, mais d’énormes blocs de parole, aussi difficiles à mémoriser qu’à redonner avec sincérité.
La distribution est soudée et composée de fortes personnalités : Laurent Sauvage, Emmanuelle Béart, Jeanne Balibar, Annie Mercier, Véronique Nordey, Richard Sammut, Raoul Fernandez, Moanda Daddy Kamono. La musique d’Olivier Mellano, qu’il joue en direct, apporte beaucoup à la représentation.
On y parle des humbles et des intellectuels, de la culture et de la nature, de la famille et de la solitude, on y parle du quotidien et du cosmos. « Par les villages » est une très grande œuvre du XXe siècle, toujours fraîche, active. On repense aux « Céphéides » de Jean-Christophe Bailly dans la mise en scène de Georges Lavaudant il y a trente ans. Mêmes thèmes, mêmes enjeux. Avignon n’invente rien mais Avignon n’est jamais autant nécessaire que lorsque de hautes ambitions s’y affirment.
Jubilation.
Stanislas Nordey est l’un des artistes associés de cette 67e édition. L’autre est le Congolais (Brazzaville) Dieudonné Niangouna, artiste bien connu en France et au festival. Dans la carrière de Boulbon, il installe un texte qu’il a écrit. « Shéda » exige beaucoup du public. Près de cinq heures de présence, et une mise en scène assez contrastée, qui mêle des moments lumineux et d’autres auxquels on ne comprend pas grand-chose. Il y a là une énergie, un auteur qui se laisse parfois déborder par son goût de la langue française, dont il mélange tous les niveaux avec une jubilation heureuse, et une troupe qui y va !
À côté du « in », le off déploie ses 1 500 spectacles. Autant dire qu’il y a le pire et quelques pépites, autant avouer qu’il est difficile de faire ses choix sans risque de déception. Mais c’est ainsi. Les jeunes aiment tenter leur chance dans les remparts chauffés à blanc. Ils sont plein d’espérance. Et rien ne saurait les décourager.
Le festival se poursuit jusqu’au 26 juillet : tél. 04.90.14.14.14, www.festival-avignon.com. Off jusqu’au 31 juillet : www.avignonleoff.com.
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