LIVRES - Malaise et maladie

La fiction comme exutoire

Publié le 29/02/2012
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* Sandor Marai : un mal mystérieux

Du grand écrivain hongrois Sandor Marai (auteur adulé dans les années 1930, il tombe dans l’oubli après 1948, date de son exil en Europe, avant de partir aux États-Unis, où il mettra fin à ses jours en 1989, avant d’être à nouveau reconnu dans le monde entier) paraît « la Sœur » (1), le dernier livre qu’il a publié en Hongrie, peu avant son départ.

C’est l’histoire d’un grand pianiste qui, à la suite d’un concert, est victime d’un mal mystérieux. Les mains qui ne peuvent plus jouer le poussent maintenant à écrire. Hospitalisé dans un état quasi-hallucinatoire, il cherche en vain, avec les médecins et quatre religieuses aussi bienveillantes qu’inquiétantes, qui lui dispensent l’oubli à coups de morphine, ce qui a pu provoquer sa maladie. Sa relation d’amour platonique avec une femme mariée frigide peut en être à l’origine, mais tout est possible dans le huis clos angoissant de la chambre et alors que la guerre se déchaîne à l’extérieur. Une réflexion, entre autres, sur la maladie comme révélateur.

*Leylâ Erbil : la maladie d’Alzheimer

Le premier livre traduit en français de Leylâ Erbil, nouvelliste et romancière turque très novatrice des années 1960, est « Jour d’obscurité » (2). Le roman, qui se situe dans les années 1980, a pour personnage principal une romancière installée à Istanbul. Mariée, mère de deux enfants et affublée d’un amant occasionnel, son existence est perturbée par sa mère souffrant depuis peu de la maladie d’Alzheimer et qui doit être placée dans une clinique.

Ses amours, ses gestes quotidiens, les rencontres avec ses amis, des intellectuels de gauche, prennent une autre dimension, comme si la perte de mémoire de sa mère la ramenait vers le passé révolu de son pays et l’imaginaire effacé de la Ville.

*Gilles Paris : la dépression expliquée aux parents

Auteur peu prodigue (« Papa et maman sont morts » en 1991 et « Autobiographie d’une courgette » en 2002), Gilles Paris reprend un procédé qui lui sied bien, faire parler un enfant. Simon a 9 ans, une mère femme d’affaires toujours occupée à l’autre bout du monde – le roman s’intitule « Au pays des kangourous » (3) – et un père écrivain, ou plutôt nègre, à la maison, qu’il retrouve un matin recroquevillé dans le lave-vaisselle.

S’ajoutent une grand-mère fantasque, adepte des séances de spiritisme, et une petite fille autiste et lumineuse, qui erre dans les couloirs de l’hôpital où le papa est interné. Autant de personnages attachants qui rendent cette leçon de dépression expliquée aux adultes par les enfants légère et savoureuse, drôle et émouvante. De l’humour intelligent.

* Alexandra Paget-Deben : cancer, passion et jalousie

Dans « Hélium » (4), Alexandra Paget-Deben réinvente le trio amoureux pour en faire un quatuor déroutant, avec le cancer comme quatrième personnage. Il y a Caroline, cancérologue, son mari Victor, gynécologue, et Gabrielle, une patiente que Victor adresse à Caroline parce qu’elle a une tumeur au sein.

Les couples se font et se défont, on ne sait pas pourquoi ; pourquoi Caroline et Gabrielle vont-elles être irrésistiblement attirées l’une vers l’autre, tandis que jalousie et maladie attendent leur tour ? Ce roman est le premier volet d’une trilogie, qui se prolongera avec « PH neutre » et « Écran total ».

* Thierry Maugenest : sus au « professeur maboule »

Le héros d’« Éroticortex » (5) est un chercheur nobélisable qui vient de démontrer – sans se préoccuper évidemment d’éthique – que tout est dans le cortex de l’homme et qu’il suffit d’agir sur certaines zones du cerveau pour modifier à son gré la croyance religieuse ou l’appétence au sexe, par exemple !

Ce qui va advenir de ce scientifique illuminé est peut-être le prétexte à Thierry Maugenest – à qui l’on doit le célèbre ouvrage d’humour littéraire, « les Rillettes de Proust » – à stigmatiser la toute-puissance des laboratoires pharmaceutiques. Mais on apprécie la construction originale du roman, qui évolue avec les seuls commentaires des employés du labo glanés dans l’ascenseur, devant la machine à café, dans les couloirs ou les toilettes, entre lesquels s’intercalent des coupures de journaux inventées mais qui ajoutent à la réflexion.

(1) Albin Michel, 301 p., 20 euros.

(2) Actes Sud, 398 p., 23 euros.

(3) Don Quichotte éditions, 248 p., 18 euros.

(4) Le Bas Venitien éditions, 178 p., 17 euros.

(5) JBZ & Cie, 134p.,15 euros.

MARTINE FRENEUIL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9090