Idées
Sous quel angle doit-on aborder un monument ? Doit-on considérer l’homme dans son enfance ? La conceptrice du livre écrit : « Freud eut une enfance heureuse entre un père (Jacob) qui aurait pu être son grand-père, une mère (Amalia) qui aurait pu épouser son demi-frère, des neveux qui avaient le même âge que lui »…
On sait que le fameux complexe d’Œdipe, le génie viennois n’a pas eu à chercher très loin pour le trouver. Et c’est du côté d’Amalia que sinue le fil rouge du fameux « continent noir ».
On peut aussi étudier la démarche au travers des écrits. En 1895 paraissent les « Études sur l’hystérie », avec le célèbre cas Anna O., qui laisse à penser que c’est Joseph Breuer qui, sans le savoir, inventa la psychanalyse.
Amis et disciples
On rencontre bien sûr dans le livre d’Élisabeth Roudinesco la célèbre cohorte des amis et disciples de Freud. Chacun mériterait un livre à part. Ainsi de Wilhelm Fliess, bizarre jumeau inversé du maître de Vienne, auteur d’une théorie rapprochant le sexe et le nez, dont il était chirurgien, et qui tira la psychanalyse du côté du mysticisme.
Carl Gustav Jung, que presque tout séparait de Freud, dans sa personnalité et sa théorie de l’inconscient collectif, apparaît souvent comme un être trouble. Ses idées le ramènent à une typologie des races. Il écrit en 1933 : « Le Juif est psychologiquement plus conscient de lui-même que nous ne le sommes… En revanche, l’inconscient aryen est chargé de forces explosives et de la semence d’un avenir encore à naître. »
Vital est le rôle de Sandor Ferenczi(1873-1933), avec qui Freud échangea 1 200 lettres. Il est l’un des tout premiers pionniers de l’aventure psychanalytique, même si ses théories du traumatisme et ses conceptions de la cure le séparent du maître.
On ne peut manquer d’être frappé, au fil de cette lecture, par l’extraordinaire intrication des familles, des amitiés et des relations thérapeutiques, créant mille fils analytico-incestueux. Il n’est pas rare qu’un disciple prestigieux offre à un autre la possible analyse de son fils ou sa fille, totems faisant bon marché des tabous.
Précisément, Freud a subi le « meurtre du père », qu’il situait au début de la civilisation, rançon d’une attitude dictatoriale et excommuniante. Le fait d’avoir contre soi les puissances les plus délétères témoignerait presque qu’on a eu raison. Ainsi, Freud a dû affronter : l’antisémitisme viennois, l’Église, la médecine officielle, l’idéologie communiste, le behaviourisme anglo-saxon et bien sûr le nazisme, dont il a longtemps minimisé la puissance funeste. Faut-il y ajouter un « Livre noir » et les divagations haineuses d’un petit prof ?
Élisabeth Roudinesco n’est pas dans l’hagiographie, elle reproche souvent à Freud sa volonté de présenter ses thèses comme relevant d’une science positiviste, son refus de toute vision globale et philosophique (Weltanschauung), son imperméabilité à certaines critiques. Mais il y a un peu plus que de la tendresse parfois dans son portrait du « grand monsieur fougueux qui a de la cocaïne dans le corps », qui, « s’il n’a pu fléchir les puissances d’en haut, a su remuer l’Achéron »*.
Élisabeth Roudinesco, « Sigmund Freud - En son temps et dans le nôtre », Seuil, 550 p., 25 euros.
* Allusion à la phrase de Virgile dans « l’Énéide » dont Freud s’était fait devise : « Flectere si nequeo superos, Acheronta movebo ».
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