Théâtre
Jean-Claude Grumberg est un homme que l’Histoire, avec un grand H, a fait souffrir. Il a souvent abordé la tragédie qui fonde sa personnalité étonnante : son père a été déporté et n’est jamais revenu. Il a choisi le théâtre pour évoquer son aventure. Il prend des chemins très différents, mais il ne parle que de ça : les souffrances, le racisme, la catastrophe de la dernière guerre ou le destin de Dreyfus, la vie quotidienne dans un atelier de confection, le passage en zone libre, les méchantes pensées des racistes et, parfois, la bonté et la bienveillance des hommes.
Une œuvre sombre, une œuvre grave… Acteur, il est irrésistible, auteur il est féroce, mais il ne peut s’interdire de sourire et de faire sourire sur des sujets très explosifs. Il a publié il y a quelques mois (Actes Sud, 10 euros), un petit dialogue entre deux voisins, qui ne sont pas nommés, sous le titre volontairement énorme, féroce, ironique de « Pour en finir avec la question juive ». Quelques pages d’un échange comme il en a le secret et on ne peut s’empêcher de rire. Grumberg, qui sait ce qu’il fait, accompagne ce bref dialogue d’une bibliographie très sérieuse. Ce sont les livres que le voisin, qui est de culture juive pourrait prêter, à celui qui ne l’est pas et s’interroge.
Dans le texte, deux voisins se croisent dans l’escalier. Celui qui est de culture juive habite en bas, l’autre au-dessus. Au Théâtre Antoine, on ne sait pas pourquoi la mise en scène de Charles Tordjman inverse les situations… Pierre Arditi et Daniel Russo, qui connaissent bien la langue de Grumberg, devisent le plus tranquillement du monde. Le personnage de Russo a vu sur Internet que son voisin est juif. Sa femme pose mille et une questions. Voilà pourquoi, gamin et plein d’empathie, il interroge le personnage que joue Pierre Arditi. Ce dernier répond avec une discrétion profonde, quelque chose de las, de résigné devant la bêtise – même gentille – du voisin qui le soumet au feu de questions insolites.
N’en disons pas plus, car Grumberg, homme blessé, est aussi un sacré farceur. Ce qui compte ici, par-delà ce rire qui donne à réfléchir, par-delà ce numéro de grands clowns, c’est que ce dialogue comique en dit très long et donne à réfléchir. Ce qui compte, c’est la force dérangeante du propos. On peut recevoir dans la jubilation, car les interprètes sont épatants et engagés, conscients de ce qu’ils portent, cette leçon de morale et d’histoire, cette belle leçon de théâtre qui nous dit que l’art de la scène peut être très puissant. Et aujourd’hui comme jamais.
À voir aussi, sur un thème proche, au Théâtre La Bruyère, « le Mariage de M. Weissmann », adaptation par Salomé Lelouch du livre de Karine Tuil « Interdit ». Avec trois bons comédiens, Jacques Bourgaux, Mikaël Chirinian, Bertrand Combe.
– Théâtre Antoine, à 19 heures du mardi au vendredi. Jusqu’au 27 mars. Durée 1 heure. Tél. 01.42.08.77.71, www.theatre-antoine.com.
– Théâtre La Bruyère, le dimanche à 15 h 30 et le lundi à 20 h 30. Tél. 01.48.74.76.99, www.theatrelabruyere.com.
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