Peintre et écrivain (il est l’auteur d’une biographie de Jean Paulhan et de l’essai « l’Avenir de la littérature »), Frédéric Badré a dû dicter « la Grande Santé » (1). Atteint d’une SLA (sclérose latérale amyotrophique) diagnostiquée il y a trois ans, il n’a quasiment plus l’usage de ses bras ni de ses jambes et parle difficilement. Pourtant, en auscultant le rapport entre un corps à la dérive et un intellect indemne et en mêlant souvenirs d’enfance ou littéraires et observations du monde actuel et de ses congénères, il se sent en « grande santé », plus vivant que jamais dans cette immobilité nouvelle.
Un esprit vagabond dans un corps prisonnier est aussi le cœur d’« Une fille dans le noir » (2), dans lequel Anna Lyndsey (un nom de plume) dit son quotidien de victime d’hypersensibilité à la lumière. Depuis dix ans, alors que, trentenaire londonienne, elle était au mieux de son épanouissement professionnel et sentimental, elle s’est retirée dans le Hampshire. Sa maison reste close mais son récit est plein de fantaisie et de poésie pour raconter ses journées recluses dans l’obscurité.
Plus douloureux est le récit publié par le premier greffé total du visage sous le titre « T’as vu le monsieur ? » (3). L’opération pratiquée par le Pr Laurent Lantieri est une réussite et Jérôme Hamon est aujourd’hui, à 40 ans, un homme heureux, enfin anonyme dans la foule. Mais avant, pendant trente-cinq longues années, il a subi les assauts de la maladie de von Recklinghausen et d’innombrables moqueries et cruautés, l’effroi et le dégoût issus de notre société de l’image et de l’apparence.
« Avec cette tête-là » (4), de François Foll, est de la même eau, qui déroule le chemin de vie, dans une fiction se situant au début du XXe siècle, d’un disgracié de la nature né avec un bec-de-lièvre, repoussé par sa famille et souffre-douleur à l’école et qui, malgré tout, trouva la force de choisir son propre destin et de séduire la femme qu’il aime. Jusqu’à ce que la Grande Guerre brise ses rêves et l’oblige une nouvelle fois à repartir de zéro.
« Pas de mélodrame au programme », avertit Charlotte de Vilmorin en annonçant, dans le blog Wheelcome, où elle raconte avec humour ses aventures de jeune active en fauteuil roulant, la sortie de son livre « Ne dites pas à ma mère que je suis handicapée, elle me croit trapéziste dans un cirque » (5). En effet, la jeune femme de 24 ans assise depuis l’enfance et diplômée d’une école de commerce carbure à l’humour pour démontrer qu’on n’est jamais handicapé dans l’absolu mais dans le détail d’obstacles matériels. Ce qui l’a conduite à créer sa propre entreprise : le premier site de prêt et de location participative de voitures équipées pour le handicap.
Du côté du psychisme
Lionel Stoleru a beaucoup de cordes à son arc : ancien ministre de Valéry Giscard d’Estaing et de François Mitterrand (à l’origine du RMI), chef d’orchestre, auteur d’une dizaine d’ouvrages d’économie, il se découvre aujourd’hui jeune romancier de 78 ans. « Les Iris jaunes » (6) est le récit d’une quête psychanalytique menée par une veuve, mère de deux enfants et qui travaille comme lectrice dans une maison d’édition. Un médecin généraliste et un psychiatre s’unissent pour l’amener à vivre avec le poids de souvenirs tragiques.
Pascal Herlem avait une sœur aînée, dont il ne connaissait que la chambre vide : Françoise avait été éloignée du foyer à sa naissance en 1950, parce qu’elle était soi-disant épileptique, puis lobotomisée deux ans après « pour la rendre plus docile ». Elle avait 14 ans. Internée de couvent en hôpital psychiatrique, elle ne reviendra à la maison qu’à l’âge de 42 ans. La mort de sa mère ne lui laissera que huit courtes années de répit. Dans « la Sœur » (7), en s’appuyant sur des carnets secrets tenus par celle-ci, l’auteur, qui est psychanalyste, s’attache à briser le silence entretenu toute son enfance autour de l’existence de cette malheureuse.
Deux livres évoquent l’autisme, dont les auteurs sont tous les deux scénaristes. « La Surface de réparation » (8) est le premier roman du Français Alain Gillot, qui met aux prises un homme solitaire et désabusé, entraîneur de l’équipe de foot de Sedan, et son neveu de 13 ans atteint du syndrome d’Asperger et passionné d’échecs. Les deux semaines qu’ils sont contraints de passer ensemble vont les changer. Une adaptation cinématographique est en cours.
Américain installé à Paris, Paul Vacca s’attache aux pas d’un enfant autiste qui s’invente des pouvoirs de superhéros pour sortir de sa solitude. Derrière le titre qui en dit long, « Comment Thomas Leclerc 10 ans 3 mois et 4 jours est devenu Tom l’Éclair et a sauvé le monde » (9), se cache une histoire plaisante sur fond de chamboulement de société à la fin des années 1960 avec, comme dans l’ouvrage précédent, une happy end de bon aloi.
(2) NIL, 280 p., 18,50 euros.
(3) Flammarion, 268 p., 19 euros.
(4) Anne Carrière, 250 p., 18 euros.
(5) Grasset, 208 p., 16 euros.
(6) Anne Carrière, 160 p., 15 euros.
(7) Gallimard, 128 p., 13,90 euros.
(8) Flammarion, 240 p., 18 euros.
(9) Belfond, 288 p., 18 euros.
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