DANS LA PÉNOMBRE d’une maison, salle-à-manger, salon, un homme est assis dans un fauteuil. Il raconte. Il se raconte et se souvient. Une heure durant et l’on ne se lasse pas. Pourquoi ? Parce que l’on est saisi par le ton de Thomas Bernhard, très bien rendu en français sous la plume de Bernard Kreiss. On est saisi par l’interprétation de Claude Duparfait, acteur excellent et également ici l’adaptateur et le metteur en scène de ce texte qui est au départ un « roman ».
Terrible plongée dans le monde artistique viennois et portraits d’une férocité dévastatrice et drôle, « Des arbres à abattre » est un récit complexe hanté par le suicide d’une amie du narrateur et qui raconte un dîner donné chez des notables en l’honneur d’un comédien du Burgtheater.
L’adaptation fait se succéder le long monologue et l’apparition des protagonistes à la lumière des flammes vacillantes des candélabres. On l’avoue : la première partie est d’une force cinglante et l’on s’en contenterait presque. Mais ce serait traiter à la légère le travail précis et profond de Claude Duparfait, qui réussit à déployer tout le texte et à diriger très bien ses camarades, excellents interprètes eux aussi. Saluons Annie Mercier, Hélène Schwaller, François Loriquet, Fred Ulysse.
Ce qui est très beau dans Thomas Bernhard, c’est qu’il ne se contente pas de juger, de dire avec véhémence sa détestation de l’hypocrisie à l’autrichienne. Il ne se ménage pas et il y a dans ses paroles une ironie vénéneuse qui n’étouffe jamais un fond de tendresse, le lait de la tendresse humaine qui coulait dans ses veines.
La Colline, petite salle (tél. 01.44.62.52.52, www.colline.fr), à 20 heures le mardi, 21 heures du mercredi au samedi, 16 heures dimanche. Durée : 2 h 10 sans entracte. Jusqu’au 15 juin. Le texte original est publié chez Gallimard.
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