UNE CUISINE américaine au fond, un long divan-banquette devant, un vélo d’appartement à jardin. L’ensemble est encadré par des piquets un peu fatigués qui ressemblent à ceux des chapiteaux, le tout traité couleur sable : le décor est tout ce qu’il y a de plus ressemblant mais il ne ressemble pas au réel. Cette scénographie de Damien Caille-Perret dit à merveille ce qui agit et subjugue dans la pièce de François Bégaudeau. Ce faux réalisme qui est du vrai théâtre. Ce semblant de naturalisme qui est complètement recomposé.
Une femme rentre du travail. La quarantaine, robe rouge, hauts talons. Une belle femme, qui, on va le comprendre, a laissé une lettre le matin en annonçant à son mari et à leurs deux grands enfants qu’elle les quitte pour vivre avec un autre homme. L’époux, assis sur le canapé est sonné. Il ne se lèvera que dans les dernières minutes. Écrivain, démuni face à son ordinateur, il n’a rien vu venir. Adam, l’aîné, 22 ans, Normalien scotché chez papa-maman, est en colère, ne supporte pas cet abandon, prend violemment le parti du père. Julie, 17 ans, en Terminale, est plus légère et veut que sa mère soit heureuse. Elle n’en fait pas un drame.
C’est tout. Presque rien, mais ce rien est très bien composé, musicalement et sensiblement. Le metteur en scène Arnaud Meunier trouve le juste ton, la bonne distance. C’est juste et très subtilement décalé. Et merveilleusement interprété : Alexandre Ducroc, jeune élève de l’école du théâtre du Nord, dirigée par Stuart Seide à Lille, où le spectacle a été créé, est remarquable. On connaît un peu, par le cinéma, Anaïs Demoustier, qui a débuté enfant et a été très louée pour « Belle Épine », de Rebecca Zlotowski, en 2010. Elle fait ici ses premiers pas au théâtre et elle est étourdissante. Un charme, une grâce, une aisance, une malice. Jacques Bonnaffé, comédien immense, s’en tient à une économie de moyens fascinante : le visage, le corps, les gestes, le regard entré en lui-même, tout parle, même le silence est éloquent et les intonations déchirantes. Face à lui, se défendant en parlant, abandonnant toute pudeur devant les enfants, Annie, qui est infirmière et ne craint pas en fait l’affrontement – avec la lettre, elle ne s’est pas défilée – est incarnée sensuellement et intelligemment par Emmanuelle Devos, convaincante et originale, fine, nuancée.
C’est bref, une toute petite heure, c’est drôle, cela ne prétend pas être autre chose qu’un instantané, un croquis enlevé.
Théâtre du Rond-Point (tél. 01.44.95.98.21), à 21 heures du mardi au samedi et à 15 heures le dimanche. Jusqu’au 3 avril. Durée 1 heure. Reprise au Marigny, salle Popesco à 19 heures du 7 avril au 15 mai. Le texte est publié par Théâtre Ouvert/Tapuscrits.
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