Classique
Paris n’a pas participé à la célébration. Pourtant l’Opéra national possède à son répertoire deux excellentes productions de ses opéras. Le Châtelet a manqué l’occasion de présenter son « opérette » américaine, « Paul Bunyan », rarissime en Europe. Quant au festival d’Aix-en-Provence, il aurait pu reprendre sa passionnante mise en scène du « Tour d’écrou », de Luc Bondy et Richard Peduzzi. Il est vrai que Britten est considéré comme mauvais pour le box-office (pas à Lyon, où les salles sont pleines). Et même la Grande-Bretagne, dans son tiède hommage à son compositeur à la gloire la plus universelle depuis Purcell, n’a rien proposé du niveau du festival lyonnais.
Le festival (1) a ouvert en force avec la première grande œuvre lyrique du compositeur, « Peter Grimes » (1945), d’après un poème de George Crabbe, dont la lecture avait nourri le mal du pays de Britten et de Peter Pears lors de leur exil américain au début de la guerre. Autant une fable sociale, reflet d’une certaine société méthodiste post-victorienne du Sud de l’Angleterre, que politique, geste protestataire en faveur de la marginalité de son personnage. Yoshi Oida en a donné à Lyon une version magistrale. Sa direction d’acteurs extrêmement précise, quasi cinématographique, montre en un crescendo terrifiant la cruauté et l’hypocrisie de cette société renfermée sur elle-même, la montée de la folie de Peter et l’impossibilité de son insertion sociale.
Autre point fort du spectacle, la direction de Kazushi Ono à la tête d’un orchestre de l’Opéra de Lyon plus somptueux que jamais, qui donne toute leur ampleur symphonique aux superbes interludes instaurant la Mer comme le deuxième grand personnage de l’œuvre. Alan Oke, souvent trop juste d’aigus, montre d’évidentes limites dans le rôle-titre, mais cette relative fragilité vocale convient bien à son incarnation du personnage, un Grimes dans l’ambiguïté et la folie. Et le formidable Chœur de l’Opéra de Lyon a dominé cette représentation avec une précision, une force et des couleurs vocales proprement inouïes.
L’adaptation musicale réalisée en 1954, avec la librettiste Myfanwy Piper, de la nouvelle d’Henry James « le Tour d’écrou » a inspiré à l’Argentine Valentina Carasco, collaboratrice du collectif catalan La Fura dels Baus, quelques excès de mauvais goût. Elle a ajouté à une scénographie pourtant très habile de Carlos Berga force toiles d’araignées et autres gadgets de terreur et donné aux personnages fantomatiques de Quint et Miss Jessel l’allure de Gomez et Marticia de la famille Adams. Pourtant, tout avait bien commencé, malgré une vidéo simpliste montrant les enfants enfermés dans une cage. Mais la direction d’acteurs, au début plus stylisée que concrète, évolue vite vers des évocations qui mettent trop les points sur les i, vidant l’œuvre de son ambiguïté. Musicalement, on est toujours au pinacle, avec un orchestre de l’Opéra de Lyon chauffé à blanc par Kazushi Ono, maître du suspense et du rythme, qui met en évidence ce que Britten doit à son admiration pour Berg. Magnifique distribution aussi, avec deux enfants, Remo Rognonese et Loleh Pottier, élèves de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon.
Mise en scène coup-de-poing
Avec « Curlew River », première de ses paraboles d’église, créé en 1964, Britten touche l’autre extrémité du spectre de sa production lyrique. Inspiré du théâtre nô, découvert lors d’un voyage au Japon, intégré au rituel du théâtre médiéval, « la Rivière au courlis » anticipe le mouvement d’universalisation des cultures qui déferla en Occident dans la seconde partie du XXe siècle. Tout dans cet OVNI théâtral a pour plaire au metteur en scène Olivier Py. Le rôle principal de la femme folle tenu par un ténor travesti, la religiosité du propos qui l’emporte sur l’anecdote de l’action et la représentation ecclésiastique dans un esprit proche de la tragédie antique. La mise en scène délivre le message profond de l’œuvre avec la force d’un coup-de-poing et hante longtemps après la fin de ce formidable spectacle.
Les acteurs du drame sont tous étonnants, à commencer par Michael Slattery, qui interprète la longue plainte du personnage de la Mère qui a perdu son enfant et la raison avec une vérité physique ahurissante et un pathétique vocal poignant. Formidable aussi, l’élève de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon Cléobule Perrot, sur les frêles épaules de qui repose la partie finale de la pièce, quand l’Esprit du Garçon revient pour annoncer à sa mère la résurrection et les retrouvailles au ciel, moment poignant où la fragilité et la fraîcheur d’une voix si verte viennent donner une lueur d’espoir.
Serge Dorny reste à Lyon
Une réussite de plus à l’actif de Serge Dorny, qui annonce, pour sa douzième saison à Lyon, un festival, en mars 2015, qui aura pour thème « les jardins mystérieux » (avec « les Stigmatisés » de Schreker, « Orphée et Eurydice » de Gluck et « le Jardin englouti » du Néerlandais Van der Aa). Au programme de la saison 2014/2015, « le Vaisseau Fantôme » mis en scène par Alex Ollé, « Roméo et Juliette » de Boris Blacher, rareté du répertoire allemand, la reprise de la sulfureuse « Carmen » par Olivier Py et un « Pelléas et Mélisande » version Christophe Honoré. Le Ballet de l’Opéra de Lyon ouvrira sa saison dans le cadre de la Biennale de la Danse avec une pièce de Jiri Kylian, « Heart’s Labyrinth ». Lors de sa conférence de presse, au Musée des tissus, qui présente une somptueuse exposition de costumes d’opéras des vingt dernières années (2), Serge Dorny a évoqué son faux départ pour Dresde, où il lui a fallu « constater que ses valeurs artistiques n’étaient pas partagées par les responsables politiques et artistiques », au contraire de Lyon, où les autorités de tutelle lui ont « confirmé leur confiance ». On se réjouit de savoir Serge Dorny encore pour quelques années à la tête d’un établissement lyrique qu’il a élevé au premier rang national.
(1) www.opera-lyon.com, tél. 04.72.00.00.00.
(2) www.musee-des-tissus.com, jusqu’au 21 septembre.
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