Romans à suspense

Le retour des héros récurrents

Publié le 28/09/2015
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Le commissaire Montalbano est de ceux-là qui, dans « le Sourire d’Angelica » (1) et après plus d’une vingtaine d’aventures traduites en français et portées à l’écran, parvient encore à nous surprendre. On connaît l’appétence du policier pour la bonne « bouffe » bien arrosée, ses relations volcaniques avec son éternelle fiancée Livia et ses déconvenues avec les autres jolies femmes, mais ici, le presque sexagénaire est victime d’un véritable coup de foudre. Andrea Camilleri, qui vient de fêter ses 90 ans, a toujours l’écriture leste mais ne néglige pas pour autant le suspense : une série de cambriolages très organisés qui visent les résidences secondaires et principales de la bonne bourgeoisie de Vigata, et qui virent aux meurtres.

Installé dans sa ville natale de Cheyenne, dans le Wyoming, lauréat d’un Edgar avec « Meurtres en bleu marine », C. J. Box est le créateur de Joe Pickett, garde-chasse et enquêteur dans une quinzaine de récits policiers, un paisible héros intègre et honnête, peu porté vers les armes à feu. Dans le treizième opus de la série, « Poussé à bout » (2), il aide un ami pourchassé pour avoir abattu deux employés d’une administration censée protéger la nature. Le prétexte pour l’auteur de poursuivre son réquisitoire contre un État et des forces gouvernementales qui abusent de leur pouvoir.

Attention, suite et fin : « Mauvaise influence » (3) est, après « Mauvais pas », « Mauvais garçon » et « Mauvaise compagnie », l’ultime volet des aventures du gaffeur patenté Zack Walker, issu de l’imagination de Linwood Barclay, ce journaliste du « Metropolitan » qui n’en finit pas de s’attirer des ennuis en voulant rendre service. Quand sa charmante voisine – comptable le jour et dominatrice la nuit – lui demande d’intervenir pour empêcher un confrère de dévoiler la nature illégale de sa « profession », quand la jeune femme disparaît et que le reporter indélicat est retrouvé mort, Zack devient alors le principal suspect. Humour noir garanti.

Nordiques

« Cœurs glacés » (4) porte le numéro treize dans la série « Varg Veum » du Norvégien Gunnar Staalesen, l’auteur de la belle trilogie « le Roman de Bergen ». Varg Veum est un privé quelque peu déjanté, il est divorcé et il noie ses amours déçues dans l’aquavit. Il est aussi terriblement efficace et retors, des qualités indispensables dans cette enquête qui commence par la simple disparition d’une prostituée après que celle-ci a refusé une passe. C’est encore une fois dans le passé que le détective ira chercher les clés d’une affaire qui remue autant de boue qu’en charrient les routes de Bergen à la fin du bel hiver.

On connaît bien, après que 11 des 21 livres parus en suédois d’Äke Edwardson, ont été traduits et que la série télévisée de ses aventures a été diffusée, le personnage du commissaire Erik Winter, qui n’hésite pas à risquer sa vie pour lutter contre le crime. C’est d’ailleurs en convalescent que, dans « la Maison au bout du monde » (5), il a quitté le soleil de l’Espagne pour Göteborg, paralysée par le froid. Dans une villa de banlieue, une femme et deux enfants ont été trouvés assassinés à coups de couteau à côté d’un nourrisson encore en vie. Affaibli, Winter se laisse autant guidé par les indices que par des visions et ses sensations.

Relire ou découvrir

On (re)lira aussi avec plaisir, dans des formats semi-poche, les enquêtes de Harry Hole et de Fabio Montale.

« L’Inspecteur Harry Hole » (6) est le premier volume de l’intégrale consacrée au Norvégien Jo Nesbo ; il comprend « l’Homme chauve-souris », le roman qui l’a propulsé sur la scène littéraire en 1997, et « les Cafards », qui mène le héros jusqu’en Thaïlande. C’est en effet une des caractéristiques de l’inspecteur d’Oslo – un personnage sensible, parfois cynique, toujours entier et incapable de se plier – que de se déplacer aux quatre coins du monde pour ses enquêtes.

C’est évidemment à Marseille, la ville où est né et mort Jean-Claude Izzo, que nous entraîne la trilogie « Fabio Montale » (7), constituée de « Total Khéops », « Chourmo » et « Solea », publiés à partir de 1995. On y retrouve ce flic fils d’immigré et poète aux prises avec une ville qui lui colle à la peau mais dont il dénonce la violence, le chômage, le racisme, la corruption.

Deux autres titres récents, qui ne font pas appel à des héros récurrents, retiennent l’attention. Dans « les Assassins » (8), ce sont les tueurs en série qui sont mis en lumière. L’Anglais R. J. Ellory, qui n’a cessé d’aligner les succès depuis « Seul le silence » en 2008, s’attaque au mythe américain des serial killers par le biais d’une intrigue originale où un meurtrier reproduit, à sa date anniversaire, un meurtre ancien perpétré par un tueur en série devenu « célèbre ». Le but de l’auteur n’est pas d’ajouter de la violence à la violence mais, en mêlant le réel à l’imaginaire, de nous questionner sur la fascination qu’ils exercent sur nous.

De Peter May, on connaît la trilogie écossaise : « l’Île des chasseurs d’oiseaux », « l’Homme de Lewis », « le Braconnier du lac perdu ». Dans « les Fugueurs de Glasgow » (9), trois hommes âgés refont, après avoir eu connaissance d’un meurtre dans la capitale anglaise, le voyage qui les a conduits jusqu’à Londres cinquante ans auparavant ; c’était en 1965, ils avaient 17 ans et ils étaient cinq copains réunis par l’amour du rock ; deux ne sont pas revenus et la jeune fille qui les accompagnait avait disparu. Un polar nostalgique autour des rêves perdus, des souvenirs enfouis et de la mort qui parfois efface les crimes.

(1) Fleuve, 270 p., 20 euros.

(2) Calmann-Lévy, 374 p., 21,90 euros.

(3) Belfond, 376 p., 21 euros.

(4) Gaïa, 263 p., 22 euros.

(5) JC Lattès, 409 p., 21,50 euros.

(6) Gallimard, Folio n°770, 795 p., 14,90 euros.

(7) Gallimard, Folio n°773, 726 p., 14,50 euros.

(8) Sonatine , 568 p., 22 euros.

(9) Rouergue, 332 p., 22,50 euros.

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du Médecin: 9436