Au commencement, il y a un très grand livre de la littérature européenne contemporaine qui date de 1981. On ne connaît pas assez Jereon Brouwers en France. Avec ce livre, « Rouge décanté », il a pourtant obtenu le prix Femina étranger en 1995. La traduction de Patrick Grilli est publiée chez Gallimard. Ce récit magnifique et bouleversant analyse tout un destin dans sa complexité. Jereon Brouwers l’a composé au moment de la mort de sa mère.
Il se livre. Il raconte les terribles années qu’il a vécues, enfant, dans un camp japonais, à Tjideng, près de Batavia, aujourd’hui Jakarta : les Japonais en guerre emprisonnaient les Néerlandais. Son père et ses frères aînés sont dans des camps d’hommes. Le petit Jereon a vécu dans un camp de femmes, avec sa grand-mère, qui y mourut, sa sœur, qui y mourut, sa mère, qui survécut et le protégea de toutes ses fibres, de toutes ses forces, de tout son amour. Pourtant, quand sa mère meurt, il ne va pas à ses obsèques…
Dans ce camp où l’enfant fête ses 5 ans le 30 avril 1945, sa mère lui apprend à lire dans un livre qui se nomme « le Voyage du petit Daniel ». Ce livre est l’un des fils qui les retiennent à la vie. Ce qui est admirable, dans le récit, c’est le va-et-vient incessant de présent à passé, en notations très fines. Comment le toit de la voiture qu’il prend, pour vagabonder, en 1981, rappelle subtilement le casque colonial qui avait appartenu à son grand-père et que l’enfant ne quittait jamais.
On n’en finirait pas de louer ce livre fascinant. Mais c’est d’un spectacle que l’on doit vous parler. Il est très beau, mais un peu sophistiqué. L’essentiel est l’adaptation, excellente et l’interprétation bouleversante de Dirk Roofthooft. Guy Cassiers, très grand metteur en scène, a imaginé un dispositif éloquent qui dit la dislocation de l’homme qui nous parle. Des caméras, des images projetées, des gestes, des actions sur un plateau qui évoque le calme d’un jardin japonais, bassins d’eau et pavés pour circuler, au pied d’un grand écran de volets mouvants qui relaie les images. Un travail sur le son, les lumières, les mouvements. Mais l’essentiel est ce qui touche le plus : ce grand acteur qui fait flamber la voix d’un petit garçon… et le portrait d’une mère de 30 ans et quelque, admirable de courage et de pudeur dans le camp terrible. Celui d’un fils, dans sa relation passionnée à sa maman et ses difficultés d’adulte avec les femmes.
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