Livres
« Réveille-toi Papa, c’est fini ! » a toute l’apparence d’un pavé de l’été : plus de 600 pages de lecture, de nombreuses photographies. Et l’ouvrage se lit comme un livre de l’été passionnant en dépit de son thème, les itinéraires entrecroisés d’un père et d’un fils, médecins et résistants tous les deux, dont l’un a été déporté. Ce livre est le témoignage de Jean-Raphaël Hirsch, âgé aujourd’hui de 81 ans, qui fut le plus jeune résistant de France (il a été agent de liaison sous le nom de Jean-Paul Pelous dès l’âge de 9 ans), est devenu chirurgien et a mis, après la guerre, son énergie au service de la communauté juive. Il est surtout un hommage à son père, Sigismond Hirsch, médecin radiologue qui s’est distingué dans les réseaux des organisations juives du Sud-Ouest de la France, où il a permis de sauver 400 enfants. Déporté à Auschwitz – comme son épouse, Berthe Hirsch, qui y a été gazée –, il n’a survécu que pour avoir été contraint de travailler pour le « docteur » Mengele (Albin Michel, 654 p., 25 euros).
Ce livre nous renvoie à une fiction de Denis Labayle, « À Hambourg, peut-être… », qui nous met en face de questions éthiques similaires. Médecin hospitalier pendant 25 ans, auteur d’essais (« la Vie devant nous ») et de 6 romans (« Cruelles retrouvailles »), il imagine qu’en octobre 1940, à Paris, un chirurgien français de grande renommée est « invité » par un médecin allemand, à pratiquer des opérations difficiles sur des compatriotes en échange de médicaments désormais impossibles à se procurer. En suivant les relations entre les deux hommes, médecins et ennemis, l’auteur nous prend à partie et nous interroge sur la portée de nos choix (Dialogues, 194 p., 19,90 euros).
Faut-il dire ou dissimuler à un proche la vérité sur l’état de santé d’un grand malade ? Peut-on accepter, voire favoriser l’euthanasie active ? Deux questions parmi celles posées par Michel-Cosme Bideau dans « Mort d’un nègre ». Le narrateur est le nègre d’un auteur de polars à succès et raciste revendiqué. Présenté comme un roman vécu, le récit déroule en parallèle les trente jours pendant lesquels celui-ci rend visite à son père, admis à l’hôpital avec un cancer au stade terminal, et les trente nuits d’amour et de sexe durant lesquelles il combat la mort avec une jeune marginale qu’il vient de rencontrer. Un travail stylistique à la croisée de la vie et de la mort ( L’Âge d’Homme, 295 p., 16 euros).
Après trois essais et quatre romans, depuis « Voix sans issue », Céline Curiol se livre dans « Un quinze août à Paris », sous-titré sans fioritures « Histoire d’une dépression ». Cinq ans après les faits – elle avait 34 ans –, elle dit comment s’est insinuée en elle cette extrême fragilité physique et psychologique qu’elle a d’abord niée, qu’elle a tenté de surmonter seule, avant de consulter enfin et d’admettre qu’elle souffrait d’une maladie véritable qu’il fallait soigner. Parce que les mots sont son domaine, elle dit aussi comment elle a cherché à circonscrire le mal en puisant dans les textes d’autres écrivains, poètes, philosophes ou essayistes, et comment les livres ont à nouveau ouvert en elle les portes de l’imaginaire et de la rêverie (Actes Sud, 219 p., 20 euros).
Pour son premier roman, Joachim Schnerf, 27 ans, a choisi un thème et une écriture qui reflètent sa génération. Dans un récit bref et intense, à cheval entre le réel et le fantasmé, « Mon sang à l’étude » met en scène Samuel pendant les trois jours où il attend le résultat d’un test de séropositivité. Sa relation avec Lena, qu’il vient de rencontrer et avec qui il espère former un couple, en dépend. En même temps qu’il dévore tout ce qui a été publié sur le sida, allant jusqu’à imaginer comment annoncer sa mort prochaine à ses « amis », il est saisi d’une urgence de vivre, de tout expérimenter, en particulier dans sa relation avec la jeune femme, qui ne se doute de rien (L’Olivier, 91 p., 12,50 euros).
Délivrance
Priyamvada N. Purushotham, l’auteure de « Journal d’une accoucheuse », a été actrice de théâtre, puis enseignante de français à l’Alliance française de Madras, avant de se tourner vers la littérature ; elle vit à Boston. Ce journal est celui d’une jeune femme qui, après des études à Delhi et en Angleterre, ouvre un cabinet de gynécologie dans sa ville natale de Chennaï, ex-Madras. S’y croisent six femmes, dont la pluralité des destins reflète toute la diversité du pays. On entre ainsi, d’une façon à la fois sensible et drôle, dans l’Inde des femmes, entre anecdotes de la vie quotidienne et graves questions de société, telles que l’infanticide des filles, l’avortement ou le viol (Actes Sud, 251 p., 21,80 euros).
Patricia Harman est sage-femme et elle enseigne sa spécialité dans des universités après avoir commencé sa carrière dans les communautés rurales. Son premier roman, « la Sage-femme des Appalaches », raconte le rude combat d’une jeune femme, pendant la Grande Dépression des années 1930, dans ce milieu hostile de la Virginie occidentale marqué par la crise économique et les problèmes raciaux. Son travail ne consiste pas seulement à assister les femmes lors de leur accouchement, mais aussi à apporter un peu d’espoir dans un univers pétri d’épreuves (JC Lattès, 495 p., 14 euros.
À signaler aussi « Ma terre, mon île », la réédition du premier des trois volumes de l’autobiographie de Janet Frame (portée à l’écran par Jane Campion sous le titre d’« Un ange à ma table »). Née en 1924, Janet Frame est, avec 15 romans, 4 volumes de nouvelles et un recueil de poèmes, la romancière néo-zélandaise la plus célèbre après Katherine Mansfield. Rejetée dès l’enfance en raison de son comportement et de son aspect physique, elle a connu très tôt l’asile psychiatrique et enduré des électrochocs pendant huit ans. Elle était sur le point de subir une lobotomie quand le médecin a appris que sa « patiente » venait de remporter un prix pour une de ses nouvelles (Joëlle Losfeld, 228 p., 11 euros).
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