Le cinéma se prête particulièrement bien à la représentation des états psychologiques et des troubles psychiques. Les auteurs ont étudié la relation entre le cinéma et la psychopathie pour décrire et analyser la représentation de personnages psychopathes fictifs dans les films populaires et à travers l’histoire du cinéma (1).
À partir de 400 films (1915-2010), 126 personnages psychopathes fictifs (21 femmes et 105 hommes) ont été sélectionnés sur la base du réalisme et de la précision clinique de leurs profils. Les films ont ensuite été analysés par des psychiatres légistes confirmés et des critiques de cinéma.
Jusqu’à la fin des années 1950, les conventions des films américains ont relégué habituellement le psychopathe au rôle du méchant, comme les gangsters, les savants fous, les super-méchants, les tueurs en série et de nombreux autres types de criminels. Ils ont souvent été caricaturés comme des personnes sadiques, imprévisibles, sexuellement dépravées et émotionnellement instables, avec une compulsion à se livrer à la violence gratuite, aux meurtres et à la destruction, présentant généralement une série de maniérismes bizarres, comme le ricanement, le rire ou les tics faciaux. Des exemples célèbres de psychopathes caricaturaux de ce type sont : Tommy Udo dans Le Carrefour de la mort (Kiss of death) et Cody Jarrett dans L’enfer est à lui (White heat).
À partir des années 1960, l’arrestation et la popularité des célèbres tueurs en série – John Wayne Gacy, Jeffrey Dahmer et Ted Bundy – puis l’établissement du Programme d’arrestation des délinquants violents (Violent Criminal Apprehension Program, ViCAP) en 1985 ont conduit à une description (et une compréhension) accrue de la manière dont la psychopathie et les enquêtes criminelles (comme le profilage criminel) sont perçues et représentés dans le cinéma. Un intérêt croissant pour la représentation réaliste des psychopathes a conduit à la formation d’un nouvel hybride entre les psychopathes traditionnels du début du cinéma et la littérature de la fin du XIXe siècle, avec des comportements de haut potentiel et des « faux self » présentés par des psychopathes tels que Bundy et Dahmer. Ce changement conduit à la popularité du « psychopathe de l’élite », ou un psychopathe présentant des niveaux exagérés de l’intelligence, des manières sophistiquées et de la ruse, parfois jusqu’à des niveaux surhumains et surmédiatisés. Le docteur Hannibal Lecter est probablement l’un des meilleurs exemples de ce type de personnage irréaliste mais sensationnel.
Depuis le début des années 2000, la représentation et la description des psychopathes fictifs ont changé. Comme dans la réalité, ils sont devenus plus humains et plus vulnérables, avec de véritables faiblesses.
Criminel, antisocial…
Le psychopathe criminel ou antisocial est probablement la forme la plus courante dans les films. Les exemples notables de psychopathes criminels fictifs dans le cinéma sont nombreux : Michael Corleone dans Le Parrain (The Godfather), Scarface dans la version de De Palma de ce film de gangsters, et Dennis Hopper dans Blue velvet.
Parmi les personnages psychopathes idiopathiques récents les plus intéressants et surtout les plus réalistes, il y a Anton Chigurh dans le film de 2007 Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (No Country for Old Men) des frères Coen. Anton Chigurh, inspiré du personnage réel de Richard Kuklinski, est un psychopathe idiopathique prototypique/primaire bien conçu. Nous manquons d’informations sur son enfance, mais il y a suffisamment d’arguments et d’informations détaillées sur son comportement dans le film pour établir un diagnostic de psychopathie idiopathique primaire actif : l’incapacité d’aimer, l’absence de honte ou de remords, le manque de perspicacité psychologique, l’incapacité à tirer des leçons du passé, l’attitude de sang-froid, la cruauté, la détermination totale et le manque d’empathie. Il semble être résistant à toute forme d’émotion ou d’humanité.
George Harvey est un autre personnage, différent, réaliste et intéressant que nous trouvons dans Lovely bones (The lovely bones), 2009. Harvey est plus « adapté » que Chigurh. Il a une maison, il est compétent socialement et il ressemble à « l’homme lambda de la rue ». En avançant dans le film, nous apprenons qu’il est en fait un dangereux prédateur sexuel. Le « faux self » est ici bien illustré.
… ou en col blanc
En termes de « psychopathe qui réussit », Gordon Gekko de Wall street (1987) est probablement l’un des personnages de fiction psychopathes manipulateurs le plus intéressant vu à ce jour. Les personnages psychopathes manipulateurs apparaissent de plus en plus dans les films et les séries. Durant ces dernières années, avec les crises économiques mondiales et certains procès de grande notoriété (comme le procès de Bernard Madoff), l’attention des cliniciens s’est davantage concentrée sur les « psychopathes qui réussissent », également appelé les psychopathes en col blanc (« corporate psychopaths ») par Paul Babiak et ses collègues.
Certains de ces personnages fictifs peuvent donc être considérés comme utiles pour l’enseignement et illustrent plusieurs aspects de la psychiatrie médicolégale, comme les troubles de la personnalité, les paraphilies, les procédures judiciaires, les comportements des avocats, etc. Enfin, ces films peuvent être une source d’enseignement, poser des questions sur les cas cliniques et mener à des discussions entre les étudiants et les enseignants.
(1) Leistedt S, Linkowski P. Psychopath and the cinema: fact or fiction? J Forensic Sci. 2014.Jan59(1):167-74
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