CELA COMMENCE par un film. Beau et vaste paysage. Un homme marche sur le côté droit de la route. Il est de dos. « Poor lonesome cow-boy » que l’on reconnaît. Une voiture vient en face et s’arrête à sa hauteur. Un homme, une femme qui fuient la montée des eaux du Mississippi. Mais Chicken rejoint sa maison, son unique royaume. « Le Paradis sur terre » commence. L’homme de l’image se fond dans le décor de la maison et Johnny Hallyday est en scène, dans la pénombre qui ne cessera de baigner le plateau.
Le public du chanteur, dont quelques sosies – il y en a chaque soir et il paraît qu’ils se font teindre les cheveux ces temps-ci ! –, et les amateurs plus réguliers de théâtre retiennent leur souffle... Arrivent deux jeunes gens, Myrtle, jupe courte et verbe haut (Audrey Dana) et Loth (Julien Cottereau). Trois personnages très représentatifs de l’univers de Tennessee Williams : une femme belle et paumée, deux frères. Ils ont eu le même père, mais pas les mêmes mères. L’un blond, délicat et maladif, l’autre, l’aîné, peau mate et cheveux sombres, rugueux et taiseux, métis complexé, solitaire. L’un comme l’autre considère que cette maison est sa propriété. Loth, qui sait qu’il va mourir, a épousé Myrtle par compassion la veille, pour lui léguer la demeure où l’empreinte de sa mère est forte. Chicken serait bien incapable de vivre ailleurs et, à la fin, tandis que montent encore les eaux rugissantes, il salue le monde : « Grenouilles et grillons, chantez, maintenant, c’est Chicken le roi ! »
Mélancolie.
Le décor de Nicolas Sire, les lumières de Laurent Castaingt imposent la belle atmosphère d’un vieux sud angoissant. Tennessee Williams l’indique, il règne là « la mélancolie d’une chanson de blues dont le thème serait la solitude ». La traduction de Jean-Michel Déprats est précise. Nulle éloquence en ces trois protagonistes. Bernard Murat a bien construit sa distribution. Audrey Dana est belle et vulnérable, prête à tout. Elle passe d’une certaine réserve apeurée face à Chicken à un abandon sans cynisme, mais qui traduit bien sa faiblesse. Elle est très bien. Julien Cottereau, fragile, presque transparent, miné par la tuberculose, hanté par la figure de sa mère, incapable d’autorité face à son demi-frère, s’efface jusqu’à en mourir. Johnny Hallyday possède une présence, une voix. Il ne craint pas ce qu’il y a de désagréable en Chicken, mal dégrossi, mâle abusif, sans états d’âme face à son jeune demi-frère. Il y a là un métier véritable – depuis l’enfance – et une sensibilité profonde.
Les trois interprètes ont en partage une complicité heureuse qui donne à la représentation, malgré le fond tragique du propos, une lumière qui réchauffe.
Théâtre Edouard VII (tél. 01.47.42.59.92), à 21 heures du mardi au samedi, 17 h 30 samedi. Durée : 1 h 50. Le texte de la traduction de Jean-Michel Déprats est édité par « l’Avant-scène » avec un dossier documentaire (12 euros).
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